HIV in My Day/Le VIH dans mon temps : Apprendre des histoires des survivant·es de longue date

En cette Journée mondiale du sida, la majorité du discours à l’échelle mondiale porte sur la prévention du VIH, souvent au détriment des personnes vivant avec le VIH dans nos communautés. Toutefois, la journée représente aussi une occasion de commémorer les nombreuses personnes emportées par le SIDA, ainsi que les récits de mobilisations collectives qui ont permis les avancées actuelles dans le traitement du VIH. Dans cette optique, le CBRC tient à souligner les témoignages de plusieurs survivant·es de longue date du VIH et de proches aidant·es recueillis dans le cadre du projet HIV in My Day/Le VIH dans mon temps.

HIV in my Day regroupe plus de 100 histoires orales avec des survivant·es du VIH de longue date et des proches aidant·es réalisés entre 2017 et 2022 en Colombie-Britannique par une équipe composée de chercheur·ses communautaires et de pair·es (dont des membres du CBRC). Ces entrevues abordent les parcours personnels des participant·es durant les premières vagues de la pandémie de VIH/sida dans les années 1980 et 1990.

thumbnail_photoshoped-photo-surita_(1).jpgPHOTO: L’équipe du projet Le VIH dans mon temps

Les récits soulignent le rôle essentiel qu’ont joué les soins communautaires, l’éducation au sécurisexe, le plaidoyer pour des traitements et le militantisme d’action directe au cours des premières années de la pandémie. Ces entretiens illustrent également la nécessité de concevoir des solutions intersectionnelles et équitables pour surmonter des crises sanitaires au sein de nos collectivités. Par ailleurs, les témoignages insistent sur les expériences de deuil et de survie.

Pour les communautés les plus touchées par l’épidémie au Canada, le VIH/sida représente à la fois un phénomène marquant de deuil et de résistance communautaire, ainsi qu’une crise de santé qui perdure. L’histoire orale permet d’aborder des enjeux de santé actuels en tenant compte du passé de façon à entrevoir de nouveaux moyens pour redynamiser les interventions existantes en matière de prévention et de traitement.

La collection HIV in My Day réunit des vidéos, des enregistrements audios et des transcriptions d’entretiens. Nous vous encourageons à découvrir les archives et à contacter notre équipe si vous avez des questions ou si vous souhaitez participer (communiquez avec Ben Klassen par courriel : [email protected]).

Pour vous donner un aperçu de la richesse des témoignages des membres de la communauté, voici des citations tirées de quelques-unes des entrevues.

« Tu sais, on va continuer à baiser. On est comme on est. On ne va pas se mettre à nier une dimension fondamentale de notre humanité, de notre sexualité. Alors on a dû trouver des façons d’avoir du sexe de manière plus sécuritaire et d’érotiser ça — tu sais, de porter un condom, des trucs du genre. Je me souviens avoir vu plusieurs images de bandes dessinées avec des gars qui ordonnent à un autre d’enfiler une capote — de la glisser vraiment lentement — en essayant de rendre l’acte plus sensuel. Ou la photo d’un gars en jeans serrés avec un condom emballé qui sort de sa poche. Tu sais, ce genre de choses. Tom of Finland, je crois, a également fait usage de condoms dans ses œuvres. On assistait donc à des tentatives d’érotisation de l’utilisation du condom comme moyen de prévention, tout en restant fidèle à nous-mêmes. »

– Paul C.
Vous pouvez regarder l’entrevue complète ou lire la transcription en suivant ce lien (en anglais)

« Et puis, dans la communauté autochtone, ç’a fini par se rendre à nous. Et avec nos camarades, on a décidé de commencer à prendre soin des gens avec qui on s’était liés d’amitié. On créait des équipes de soins improvisées et on se relayait pour accompagner quelqu’un dans son parcours vers le monde des esprits. On était plusieurs à faire ça. Et une des choses que je tiens à dire, c’est que ce sont les hommes bispirituels, les hommes gais, qui se sont réunis pour offrir des soins. Mais les femmes, et en particulier les femmes bispirituelles, sont celles qui sont venues en renfort. Parce qu’elles aussi, elles étaient leurs amies, tu vois ? »

– Art Z.
Vous pouvez regarder l’entrevue complète ou lire la transcription en suivant ce lien (en anglais)

« … à l’époque, les gens mouraient, mouraient et mouraient encore, des décès atroces, en tendant la main, en demandant de l’aide, sans famille — ça te préparait, ça ne t’endurcissait pas. Ce sont les hommes avec qui je buvais des cafés, avec qui je discutais autour d’une table et avec qui je faisais des projets. Ça m’a donné le courage de combattre cette terrible, terrible maladie qui rongeait la communauté et mon association. Ces hommes que j’invitais chez moi pour un café ou un petit-déjeuner, ou avec qui j’allais bruncher dans l’un des restos sympathiques de la rue Davie, avec qui je riais, que je voyais flirter, qui me parlaient en regardant par-dessus mon épaule… Bien des hommes m’ont accueilli à bras ouverts au cours de ma vie, et j’avais besoin d’être là et de persévérer. Je me sens comme ça. Je me souviens d’avoir visité un homme à l’hôpital Saint-Paul pour lui faire mes adieux. Il était mourant; on s’est étreint et on a pleuré, tandis que d’autres gens se trouvaient dans la salle. Et au moment où j’allais quitter, il m’a apostrophé, “Jackie”. J’ai fait demi-tour, et il a déclaré, “S’il te plaît, dis-leur que j’étais drôle”. »

– Jackie H.
Vous pouvez regarder l’entrevue complète ou lire la transcription en suivant ce lien (en anglais)


« Après le décès de mon partenaire, je n’ai pas eu d’autre histoire d’amour pendant très longtemps. Et quand je dis longtemps, je veux dire des années. Entre autres parce que j’avais peur. Je me disais, genre, “OK, pendant combien de temps je vais vivre ? Et si je m’engage et je m’investis dans une relation, combien de temps ça va durer ?” Et donc, j’ai évité tout ça. En plus, je n’étais pas prêt à rencontrer quelqu’un en public et lui annoncer que j’étais séropositif. Pas question, puisque j’ignorais comment ça se passerait. Alors, je me suis plus ou moins mis à l’écart pendant de très nombreuses années, je me suis débrouillé tout seul, avec très peu de soutien, sans me mêler aux autres. Et donc, ça m’a empêché de m’engager dans une nouvelle relation. »

– Nazim M.
Vous pouvez regarder l’entrevue complète ou lire la transcription en suivant ce lien (en anglais)


« J’ai vu la salle commune au quatrième étage et c’était horrible. Je n’en revenais pas. J’ai observé des gens mourir seuls, et ça, c’était terrifiant. À l’époque, c’était la norme. D’abord, on a appelé ça des funérailles, puis des célébrations de la vie, et on en organisait deux ou trois fois par semaine. Je lisais les journaux et je me disais, “Oh, merde”. C’était ma génération et ça se produisait encore. J’entendais parler de plein de monde qui mourait et je ne saisissais pas pourquoi… On voyait des gens dépérir, plusieurs en fauteuils roulants — ouais, c’était omniprésent. Où est passée telle personne ? “Oh, elle est à l’hôpital.” Et où est cette autre personne ? “Oh, elle est à l’hôpital aussi.” C’était si rapide et si répandu. Je peux comprendre pourquoi on appelait ça la peste rose, mais aujourd’hui, les cas sont super nombreux dans les communautés autochtones — pour les femmes de différentes provinces comme dans le nord de la Saskatchewan, c’est une épidémie. Je m’explique mal pourquoi on n’a pas appris de la première vague du mouvement contre le sida. Comment en sommes-nous arrivé·es là dans nos propres communautés autochtones, où le phénomène est endémique dans le Nord ? Quelque chose s’est perdu en route, ce qui est vraiment triste. »

– Sandy
Vous pouvez regarder l’entrevue complète ou lire la transcription en suivant ce lien (en anglais)


« Je crois que les organismes PWA Society à Vancouver et AIDS Vancouver ont joué un rôle déterminant pour mobiliser la communauté gaie. Pour le meilleur ou pour le pire, ils ont défini en quelque sorte les contours de notre identité collective… Je pense que le travail de AIDS Vancouver et de la PWA a été une source de transformation et de soutien pour la communauté dans la mesure où ils ont pu aider et améliorer les conditions. Je crois qu’ils ont déployé des efforts considérables pour appuyer la communauté et pour offrir des lieux où les gens pouvaient trouver du support… Je pense que dans les années 1980 et 1990, ç’a changé la donne. Et au sein de la communauté gaie, on prenait la défense des personnes atteintes du sida ou du VIH et on exigeait que notre humanité soit reconnue. Vraiment, ces organismes ont été essentiels, tout à fait essentiels. »

– Adrien R.
Vous pouvez regarder l’entrevue complète ou lire la transcription en suivant ce lien (en anglais)

Pour plus d’informations sur le projet HIV in My Day, cliquez ici.

Veuillez noter que certaines des citations ont été modifiées pour plus de clarté.

Available in English.

CBRC

À propos du CBRC

Le Centre de recherche communautaire (CBRC) promeut la santé des personnes issues de la diversité sexuelle et de genre par le biais de la recherche et du développement d’interventions.
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