Par et pour les survivant·e·s : Mon expérience de gestion du projet de soutiens à l’intention des survivant·e·s des SOGIECE et de la thérapie de conversion

La « thérapie » de conversion et les autres tentatives visant à modifier l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre d’une personne causent des traumatismes et des dommages de longue durée aux membres de la communauté 2SLGBTQ+. Quels genres de soutiens les survivant·e·s ont-iels besoin pour les aider à guérir?

Du mois d’avril au mois de septembre 2021, j’ai discuté avec des centaines de survivant·e·s de tentatives de changement d’orientation sexuelle, d’identité et d’expression de genre (SOGIECE) qui m’ont fait part des défis qu’iels rencontraient en matière de rétablissement. Leur douleur, leur colère et leur honte ont pesé lourd sur mon cœur.

Le projet de soutiens aux survivant·e·s des SOGIECE et de la thérapie de conversion, une étude de recherche communautaire menée par et pour les survivant·e·s, nous a permis d’échanger avec des personnes ayant subi des préjudices afin d’identifier les obstacles rencontrés, les ressources utiles pendant le rétablissement et les soutiens nécessaires. Le rapport complet est disponible ici, et nous présenterons les résultats lors d’un webinaire en direct le 7 avril.

SOGIECE_Report_ThumbnailFR-01.png

Le message clé ressortant de ces résultats est clair : les survivant·e·s ont rapporté un manque de soutien alarmant.

La thérapie de conversion est désormais illégale au Canada grâce au projet de loi C-4, adopté en décembre et entré en vigueur le 7 janvier 2022. Cependant, les pratiques et les programmes de conversion ne sont pas faciles à définir ou à identifier; souvent, ils ne captent qu’une infime partie des pressions et des messages qui pourraient être qualifiés de SOGIECE. Le projet a utilisé l’expression « SOGIECE », un acronyme anglophone, comme terme générique englobant un large éventail de pratiques, dont la thérapie de conversion.

Les SOGIECE prennent la forme de pratiques, de pressions ou de messages subtils ou flagrants qui tentent de modifier ou de supprimer l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre d’une personne — ce que beaucoup de personnes 2SLGBTQ+ ont vécu dans une certaine mesure.

Pour soutenir efficacement les personnes qui ont vécu une expérience de SOGIECE ou de thérapie de conversion, nous devons reconnaître que leurs effets se présentent de manière différente pour chaque survivant·e. En général, le préjudice subi est traumatisant et profondément intériorisé. Les obstacles comprennent le défi de surmonter la honte, de savoir ce qu’il faut partager et avec qui, de surmonter l’homophobie/la biphobie/la transphobie intériorisée, et de restaurer l’agentivité et l’estime de soi.

Nous avons également constaté que le fait de reconnaître le mal qui a été fait est une composante cruciale du processus de guérison. La guérison devient possible lorsque nous trouvons des relations et des lieux sûrs et solidaires et que nous nous débarrassons de ceux qui ne le sont pas. Mais le parcours de la guérison n’est pas toujours facile.

Les survivants ont identifié le besoin d’une variété de soutiens, y compris l’éducation et une meilleure sensibilisation aux SOGIECE et aux pratiques de conversion. Il est également nécessaire d’avoir accès à des thérapeutes affirmatifs ayant une expérience avec les traumatismes liés aux SOGIECE et à la thérapie de conversion (y compris les traumatismes religieux), à des espaces et des réseaux sûrs, ainsi qu’à des professionnels de la santé affirmatifs, sensibilisés aux SOGIECE et à la thérapie de conversion et équipés pour soutenir les survivant·e·s.

Mon histoire

En janvier 2021, lorsqu’on m’a demandé d’être le coordinateur du projet, j’ai hésité; je n’étais pas certain que mon expérience puisse être classée comme une forme de SOGIECE ou de thérapie de conversion. Je n’ai jamais participé à un programme formel de thérapie de conversion ou à un camp dirigé par une organisation religieuse. Je n’ai jamais été confronté à des prestataires de soins de santé qui m’ont mal diagnostiqué ou qui ont refusé de me traiter. Je faisais ce que beaucoup de participant·e·s à ce projet ont fait, c’est-à-dire remettre en question la validité de mon expérience.

En réalité, j’ai passé 27 ans à intérioriser les pratiques de conversion par la prière, l’étude de textes religieux, la dissociation corporelle et la suppression/le déni de mon identité sexuelle et de genre. J’ai passé 6 ans en thérapie et à subir des tentatives de changement basées sur les pratiques de thérapie de conversion. J’ai fait mon coming out en tant que lesbienne à l’âge de 33 ans, et en tant qu’homme trans à l’âge de 51 ans. J’ai maintenant 61 ans (et je suis hétérosexuel), mais j’ai passé des décennies à me cacher dans la honte et la peur, et j’ai lutté contre des idées suicidaires jusqu’à la mi-trentaine.

Tout comme plusieurs autres survivant·e·s, j’ai subi des pressions subtiles et flagrantes visant à réprimer, à nier et à changer mon orientation sexuelle, mon identité et mon expression de genre — des pressions mieux connues sous le terme de SOGIECE. Je SUIS un survivant.

Jordan_Sullivan.jpg

Lorsque les participant·e·s au projet de soutiens aux survivant·e·s des SOGIECE et de la thérapie de conversion ont partagé leurs histoires, je me suis identifié à leur rage envers les systèmes et les personnes qui nous ont brisé·e·s et réduit·e·s au silence avant de se débarrasser de nous. Lors des groupes de discussion et des entretiens, ma propre douleur et mon propre traumatisme se sont manifestés et j’ai dû les mettre de côté pour écouter, entendre et assurer la sécurité des survivant·e·s qui me parlaient. À la fin des groupes de discussion et des entretiens, j’ai souvent fondu en larmes.

Parfois, j’avais envie de m’enfuir et de me cacher, de me laisser distraire par tout ce qui pourrait me permettre de faire fi du vide, de la douleur, des blessures profondes. J’ai réalisé qu’à certains égards, je suis encore plus à l’aise dans la honte, le silence et la dissociation que dans toute autre façon d’être et de vivre.

Mais j’ai aussi été émerveillé par la résilience et le courage de chaque participant·e.

Les résultats de cette étude sont essentiels pour faire progresser notre compréhension des expériences des survivant·e·s des SOGIECE et de la thérapie de conversion. Mais d’autres efforts, y compris d’autres recherches avec des survivant·e·s provenant de communautés marginalisées, sont nécessaires pour créer des ressources et des systèmes de soutien équitables afin de répondre aux préjudices liés aux SOGIECE et à la thérapie de conversion.

Les survivant·e·s se sont fait maltraiter, réduire au silence et traumatiser par des messages et des pressions flagrantes, des actes et des paroles violentes ainsi que des microagressions constantes qui peuvent engendrer un sentiment de désespoir et de perte. Il est temps de mettre en place un système de soutien afin de répondre à la situation.

Beaucoup d’entre nous ont guéri du préjudice subi et vivent une vie heureuse. Nous sommes partout : dans la communauté 2SLGBTQ+, dans toutes les religions et dans le système de santé canadien. Mais ce n’est pas le cas pour tous·tes.

Beaucoup d’entre nous n’ont pas survécu et ont choisi de mettre fin à la douleur et à la honte en se suicidant. Beaucoup d’entre nous sont encore des victimes d’une manière ou d’une autre. Beaucoup d’entre nous continuent d’être réduit·e·s au silence par la honte et continuent d’avoir peur d’être vu·e·s comme nous sommes.

Pourtant, beaucoup d’entre nous sont des survivant·e·s. Même si la route n’a pas été facile, beaucoup d’entre nous sont aussi des battant·e·s.

Par Jordan Sullivan,
Coordinateur du projet de soutien aux survivants 2SLGBTQ+ de la thérapie de conversion/SOGIECE

SOGIECE-Promotion_Horizontal-2.png

Cliquez ici pour vous inscrire à la conférence Les survivant·e·s de la thérapie de conversion ont parlé! Les résultats du projet du CBRC de soutiens à l’intention des survivant·e·s des SOGIECE et de la thérapie de conversion, le jeudi 7 avril 2022.

Available in English.

CBRC

À propos de CBRC

Le Centre de recherche communautaire (CBRC) promeut la santé des personnes issues de la diversité sexuelle et de genre par le biais de la recherche et du développement d’interventions.
Par et pour les survivant·e·s : Mon expérience de gestion du projet de soutiens à l’intention des survivant·e·s des SOGIECE et de la thérapie de conversion
Par et pour les survivant·e·s : Mon expérience de gestion du projet de soutiens à l’intention des survivant·e·s des SOGIECE et de la thérapie de conversion
Check out Centre de recherche communautaire. I just joined.