Des problèmes sociaux sous-tendent le manque de satisfaction sexuelle des personnes vivant avec un handicap

Selon des données recueillies d’avril à septembre 2022, les personnes 2S/LGBTQ+ vivant avec un handicap sont moins susceptibles d’avoir une vie sexuelle satisfaisante que les personnes 2S/LGBTQ+ qui ne vivent pas avec un handicap. Lors de ce sondage, 41 % des personnes 2S/LGBTQ+ vivant avec un handicap se sont déclarées très satisfaites de leur vie sexuelle, tandis que 59 % s’estimaient peu ou moyennement satisfaites. Parmi les personnes qui s’identifiaient comme valides, 53 % étaient très satisfaites de leur vie sexuelle, contre 47 % qui l’étaient moyennement ou peu1.

Étant moi-même éducateurice dans le domaine du handicap et de la sexualité, je ne trouve pas ces résultats surprenants. Tout d’abord, il est évident que certains symptômes comme la douleur et la fatigue ont une incidence sur la fréquence et la qualité de l’activité sexuelle. Je parle en connaissance de cause quand j’affirme que c’est pour le moins frustrant : difficile de se sentir sexy quand on vomit de douleur…

Toutefois, il me semble aussi que ces résultats montrent que les personnes vivant avec un handicap, surtout si elles sont queers, sont confrontées à d’importants obstacles sociétaux.

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Le taux de pauvreté est plus élevé parmi les personnes vivant avec un handicap, et encore plus criant si d’autres facteurs identitaires contribuent davantage à leur marginalisation. Les contraintes économiques empêchent de combler certains besoins élémentaires et compliquent l’accès aux accessoires fonctionnels qui facilitent le plaisir, à savoir les sex toys. Il est également pénible de devoir confier l’achat et l’entretien des accessoires érotiques aux membres de notre famille ou à nos soignant·e·s, qui peuvent nous infantiliser et nous désexualiser au point d’appréhender l’idée de notre plaisir sexuel.

Par le passé, j’ai interrogé des personnes queers vivant avec un handicap sur la créativité et l’innovation dont elles doivent faire preuve pour avoir une vie sexuelle. Il est difficile en temps normal de trouver des partenaires ayant assez d’ouverture d’esprit et de flexibilité pour avoir des rapports sexuels qui diffèrent des normes habituelles. Il y a presque cinq ans, j’ai écrit mon premier texte sur le manque d’accessibilité de la communauté queer. De surcroît, dans le contexte d’une pandémie toujours en cours, où la communauté queer reprend sa vie normale malgré la propagation aérienne du virus, les occasions de rencontres paraissent carrément inexistantes.

On se doit de souligner l’époque où ces données ont été recueillies : la COVID-19 freinait alors considérablement les possibilités de rencontres et de rapports sexuels des personnes vivant avec un handicap, notamment celles qui sont immunodéprimées. Si les restrictions imposées par la COVID-19 ont été difficiles pour tout le monde, ce facteur additionnel d’isolement mène à davantage de frustration sexuelle chez les personnes concernées.

Je ne dis pas que le sexe soit un droit que quiconque peut s’arroger, mais le discours dominant selon lequel nos vies sont un fardeau et n’ont pas de valeur contribue à nous désexualiser aux yeux de la société, ce qui nuit grandement à l’estime de soi. Celle-ci est pourtant à la base de toute relation saine. Quand on la perd, qui plus est au sein de divers systèmes d’oppression, on devient plus susceptible de subir de la violence conjugale ou d’adopter des stratégies d’adaptation problématiques.

Il a toujours été urgent de se pencher sur ces questions cruciales, mais avec l’augmentation du nombre de personnes vivant avec un handicap en raison de la COVID longue, il est plus nécessaire que jamais de résoudre de tels problèmes. Peut-être que plus de gens comprennent aujourd’hui notre réalité, mais celle-ci ne devrait jamais être imposée à personne.

Heureusement, il existe de nombreuses solutions sur lesquelles travailler. Elles ne sont peut-être pas toutes aussi attrayantes que des accessoires d’assistance sexuelle — s’attaquer aux racines de l’oppression systémique, c’est rarement super sexy ! Cependant, si l’on change les récits sur les personnes qui vivent avec un handicap et l’attitude envers leur sexualité, et qu’on améliore l’accessibilité et la sécurité COVID, on obtiendra des résultats tout à fait séduisants.

Il est temps d’arrêter de nous dire qu’on a de la chance d’être en vie. Tant qu’on l’est, on peut bien avoir quelques orgasmes.

1 : Données tirées de Notre santé 2022 (non publiées auparavant).


Dev Ramsawakh est conteureuse, producteurice, et éducateurice multidisciplinaire. Iel est une personne non binaire qui vit avec un handicap et fait partie de la diaspora Indo-Caribéenne. Ayant reçu plusieurs prix, sa démarche artistique et professionnelle est soutenue par le Conseil des arts de l’Ontario, SKETCH Toronto, Tangled Art+Disabilityet Luminato Festival Toronto. Les travaux de Dev ont été publiés sur diverses plateformes telles que Toronto Star, Châtelaine, CBC, Xtra et Autostraddle. Vous trouverez Dev sur Twitter et TikTok et sur Instagram. Pour consulter son site web, visitez l’adresse suivante : IndivisibleWriting.com.

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À propos du CBRC

Le Centre de recherche communautaire (CBRC) promeut la santé des personnes issues de la diversité sexuelle et de genre par le biais de la recherche et du développement d’interventions.
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