La reconnaissance des occasions manquées de vérité et de réconciliation

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De la plénière Vérité et réconciliation lors du Sommet 2018
(De gauche à droite : Shane Pointe, Rocky James, Florence James, William White, Jody Jollimore)

Le 1er décembre, nos communautés ont envisagé une autre Journée mondiale de lutte contre le sida et ont donné naissance à la Semaine de sensibilisation au sida chez les Autochtones. Le Centre de recherche communautaire (CBRC) profite de cette occasion afin de poursuivre notre chemin de vérité et de réconciliation en échangeant avec nos partenaires autochtones et nos Aînés, mais également en reconnaissant nos torts ou, dans le cas présent, les occasions manquées, en nous engageant à mieux faire à l’avenir. Avant que la réconciliation puisse se concrétiser, nous devons avoir la vérité. Et la vérité est que nous avons relégué les peuples autochtones aux marges en matière de prophylaxie pré-exposition (PrEP). Encore.

Un facteur important du succès de la PrEP en Colombie-Britannique est sa disponibilité : elle est entièrement couverte et il y a peu d’obstacles à l’accès. Si vous êtes à risque et que vous pouvez trouver un médecin ou une infirmière praticienne pour la prescrire, vous pouvez l'obtenir. Cela fait une énorme différence dans la lutte contre le VIH de la Colombie-Britannique, en particulier par rapport aux autres provinces. Ce qui soulève la question suivante : « Si l'accès et la disponibilité de la PrEP sont synonymes de succès, pourquoi n'y a-t-il pas plus de personnes autochtones sous traitement? deux années complètes avant le programme universel en Colombie-Britannique). D'autant qu'elle est gratuite et accessible aux personnes bénéficiant de services de santé non assurés depuis 2016 (soit deux années complètes avant le lancement du programme universel en Colombie-Britannique).

En effet – deux ans avant la disponibilité de la PrEP financée par le gouvernement, les personnes autochtones y avaient accès. Malgré cela, seuls quelques individus autochtones ont accédé au traitement. Entre 2016 et 2018, on estime que 500 Autochtones du Canada ont contracté le VIH. Beaucoup d’entre eux auraient pu bénéficier de la PrEP, mais ne connaissaient pas le traitement ou ne savaient pas qu’ils pouvaient y accéder gratuitement. 

Le CBRC ainsi que les autres organisations de lutte contre le VIH ont raté une occasion importante et les conséquences de ce fait ne sont que trop familières pour les personnes autochtones. Alors que nous étions occupés à exiger la PrEP pour tous, nous n’avons pas réussi à reconnaître et à promouvoir l’accès déjà disponible aux peuples autochtones. Il est consternant de penser au nombre d’infections chez les personnes autochtones qui auraient pu être évitées depuis 2016 si nous avions mieux fait notre travail.

Lorsque j'ai appris pour la première fois que les membres des Premières Nations avaient accès à la PrEP, j'ai co-organisé un webinaire avec CATIE et nous avons invité un présentateur de la Régie de la santé des Premières Nations afin de nous informer sur l'accès à la PrEP et à la prise du traitement pour les peuples autochtones. En Colombie-Britannique, moins de 20 Autochtones étaient sous PrEP. Plus de 70 personnes représentant 30 organisations ont assisté à ce webinaire. A-t-il eu pour effet d’inciter vivement les peuples autochtones à accéder à la PrEP par le biais des services de santé non assurés? Cela aurait dû être le cas, mais cela ne s’est pas produit.

En fait, c'était comme si ce webinaire n'avait jamais eu lieu. Nous avons continué à nous battre pour l'accès à la PrEP sans reconnaître le fait potentiellement révolutionnaire que les populations autochtones y avaient déjà accès. C’est ce qui s’est passé à de nombreuses reprises alors que le CBRC et ses partenaires lançaient des campagnes afin de financer la PrEP sans toutefois allouer de ressources à la promotion de la PrEP auprès de ceux qui y avaient déjà accès.

C’est un autre exemple de l’État colonial qui s’occupe de son propre peuple en négligeant de son peuples autochtones. Il est rare que les Autochtones aient des avantages. Pour une fois que c’était le cas, ceux d'entre nous qui avaient le pouvoir de promouvoir cet avantage ont failli à leur devoir. Nous avons laissé tomber les peuples autochtones et nous avons fait fausse route sur notre chemin vers la vérité et la réconciliation ainsi qu’au sein du mouvement de lutte contre le VIH.

À la suite de cette occasion manquée, nos collègues du Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique (BCCDC) ont rédigé un document intitulé Truth and Reconcilia(c)tion: Summary Review of First Nations and Inuit access to HIV Pre-Exposure Prophylaxis (PrEP) que le CBRC a entériné. Alors, qu'est-ce qui a mal tourné? Voici les constatations :

  • Échec de la mise en place de systèmes causée par le fait de ne pas avoir priorisé les besoins en matière de prévention du VIH des peuples autochtones après l’approbation de la PrEP par Santé Canada;
  • Les organismes communautaires, les prestataires de soins de santé, les pharmacies et les autres organismes ont une connaissance limitée ou insuffisante de la voie d’accès à la couverture des soins de santé et de la portée des régimes d’avantages pour les communautés et les personnes Inuit, Métis et des Premières Nations;
  • Manque de collaboration et de coordination entre et au sein des organisations communautaires, des agences gouvernementales, des prestataires de soins de santé, des pharmacies et des autorités de santé en ce qui concerne l'accès à la PrEP;
  • Manque d'application des connaissances par ceux qui possèdent une connaissance approfondie des voies d'accès aux antirétroviraux, tels que les prestataires de soins du VIH ou de services de santé publique; et
  • Manque de participation des membres des Premières nations et des Inuits aux tables de décision concernant les politiques et la défense des intérê

Le rapport contenait les recommandations suivantes, entérinées par le CBRC et d’autres organisations :

  • Inclure les peuples autochtones à toutes les étapes de l'élaboration des politiques, de la promotion et de l'application des connaissances;
  • Améliorer et promouvoir la compréhension des voies d'accès uniques aux soins pour les membres des Premières nations, les Métis et les Inuits chez les prestataires de soins de santé et les organismes communautaires;
  • Les leaders du milieu de la santé devraient améliorer la collaboration entre les peuples autochtones, les prestataires de soins de santé, les autorités sanitaires et les organisations communautaires;
  • Reconnaissance intentionnelle de la manière dont les politiques peuvent avoir un impact unique sur les peuples autochtones en raison des effets de la colonisation et des voies d'accès aux soins de santé pour la communauté; et
  • Promouvoir des activités de réflexion portant sur les erreurs du passé afin de les minimiser à l'avenir et de nouer de meilleures relations avec les peuples autochtones.

Bien que nous n’ayons pas encore atteint un « nombre zéro » de nouvelles infections, il y a de quoi être optimiste : la prophylaxie pré-exposition (PrEP) et le traitement de prévention (TasP) fonctionnent. On apprend qu'Indétectable égale Intransmissible et que, pour la première fois depuis des décennies, nous disposons d'un nouvel outil de prévention du VIH. Une par une, les provinces s’engagent à subventionner ou, dans le cas de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et de la Saskatchewan, paient entièrement pour le traitement du VIH et la PrEP et les résultats parlent d’eux-mêmes. La Colombie-Britannique continue de signaler de moins en moins de nouvelles infections au VIH, et ce, même parmi les populations les plus vulnérables. Toutefois, ces outils de prévention sont encore hors de portée pour certains. 

C’est à ce moment que le travail des alliés est important. C’est une personne autochtone qui signalé le manque de promotion de la PrEP auprès des peuples autochtones, mais cette responsabilité devrait être partagée par les peuples autochtones et allochtones. Pour être un bon allié, il faut parler des difficultés et des barrières auxquelles se heurtent aussi les autres, pas seulement celles qui nous affectent.

Alors que nous nous préparons à accueillir une nouvelle année, j'espère que nous pourrons tous convenir que nous devons faire plus pour que justice soit rendue aux peuples autochtones - pour ceux d'entre nous d’impliqués dans la lutte contre le VIH, nous avons encore beaucoup à faire afin de réduire les taux d’infection. Encouragez plus de gens à prendre le PrEP et dites au monde qu’indétectable égale intransmissible. L’heure est venue de relever nos manches.

Par Jody Jollimore, Directeur général

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CBRC

À propos de CBRC

Le Centre de recherche communautaire (CBRC) promeut la santé des personnes issues de la diversité sexuelle et de genre par le biais de la recherche et du développement d’interventions.
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