Les critères d’admissibilité au don de sang ont changé, mais les inégalités persistent pour les hommes queers donneurs d’organes

Interpellée depuis des dizaines d’années, la Société canadienne du sang a finalement levé, en septembre dernier, l’interdiction de donner du sang aux hommes gais, bis et queers. L’approche fondée sur l’orientation sexuelle est donc remplacée par une sélection non genrée, basée sur les pratiques sexuelles. Il reste beaucoup à faire pour améliorer le processus et le questionnaire de sélection, ainsi que pour contrer la stigmatisation et la discrimination qui perdurent à cause de l’ancienne approche, mais il s’agit néanmoins d’un changement positif.

C’est une bonne nouvelle tant pour les hommes queers que pour toutes les personnes qui ont besoin d’un don de sang au Canada. Malheureusement, ces changements n’ont pas été appliqués dans le domaine du don d’organes et de tissus.

Un exposé de politique rédigée récemment sous la direction du Dr Murdoch Leeies, médecin et directeur de recherche au département de médecine d’urgence de l’Université du Manitoba, révèle les pratiques discriminatoires à l’œuvre au sein du système de dons et de greffes d’organes et de tissus (DGOT).

OGReport-hires_FR.pngCliquez ici pour lire l’exposé de politique.

En effet, les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes y sont toujours traités différemment. Par exemple, les organes solides (comme les reins ou le foie) donnés par un homme ayant eu des rapports sexuels avec un autre homme au cours de l’année écoulée sont désignés comme comportant un « risque accru de transmission de maladies infectieuses ». Cette distinction signale aux personnes en attente d’un don que l’organe est plus susceptible de contenir le VIH et qu’il peut avoir été donné par un homme queer.

En ce qui concerne les dons de tissus (comme les os ou la peau), ceux des hommes queers sont fréquemment rejetés.

De telles politiques étaient peut-être justifiées par le passé, quand la compréhension du VIH et les outils de détection étaient limités. En revanche, nous savons aujourd’hui qu’elles perpétuent sans raison la stigmatisation des personnes queers ou vivant avec le VIH.

Grâce à nos connaissances actuelles sur la transmission du VIH, la sélection basée sur les pratiques sexuelles peut remplacer les critères discriminatoires qui excluent inutilement les hommes bispirituels, gais, bis, trans et queers (2S/GBTQ+).

Bien que le VIH ne puisse pas être détecté dans l’organisme immédiatement après l’exposition, la période d’abstinence d’un an n’est plus nécessaire grâce aux techniques modernes de dépistage du VIH. Les tests d’amplification des acides nucléiques, disponibles partout au Canada, permettent généralement de détecter le VIH s’il est présent dans l’organisme depuis plus de sept jours. Les tests de détection des anticorps ou des antigènes, encore plus accessibles, permettent de détecter systématiquement le VIH s’il est présent dans l’organisme depuis 12 semaines.

Pour favoriser l’équité en matière de santé et répondre à la demande croissante d’organes, les pratiques de DGOT au Canada doivent se régler sur les connaissances scientifiques contemporaines. De plus, comme l’indique notre exposé de politique, Mettre fin aux pratiques discriminatoires dans le domaine des dons et greffes d’organes et de tissus, il faut également supprimer d’autres pratiques qui ne reposent sur aucune donnée scientifique.

Le rapport recommande notamment de mettre fin aux examens invasifs du rectum visant à trouver des « preuves » de rapports sexuels anaux. Dans de nombreuses régions du Canada, ces examens sont pratiqués sur des donneurs masculins décédés afin de repérer ceux qui ont eu des relations sexuelles anales; or, cette méthode n’est pas basée sur des données probantes permettant d’évaluer les risques de transmission du VIH. En outre, elle perpétue à tort l’idée que les relations sexuelles entre hommes sont inextricablement liées à la transmission du VIH; de nombreux membres de la communauté la jugent insultante.

Le rapport révèle également d’autres iniquités dans le système de DGOT, notamment l’interdiction du don d’organes par les partenaires sexuel·le·s de personnes vivant avec le VIH. Cette politique ne tient pas compte des données scientifiques sur l’efficacité des mécanismes de prévention du VIH, tels que I=I et la PrEP. Enfin, le système de DGOT ne prend pas en compte les identités transgenres.

À l’instar du critère d’admissibilité au don de sang qui a exclu pendant des dizaines d’années les hommes gais, bis et queers, ces inégalités ne pourront disparaître qu’avec une modification de la réglementation de Santé Canada. Le gouvernement a lui-même reconnu la discrimination envers les personnes 2S/GBTQ+ dans le système de DGOT, et s’est engagé à lutter contre elle : ce changement a été recommandé par le Comité permanent de la santé dans son rapport de 2019, La santé des communautés LGBTQIA2 au Canada.

Nous faisons écho à cet appel et demandons à Santé Canada d’opérer les changements nécessaires pour mettre fin à la discrimination et à la stigmatisation vécues par nos communautés. Les nouveaux critères d’admissibilité au don de sang montrent qu’il est possible de moderniser le système tout en maintenant des normes strictes garantissant l’innocuité du sang.

Il est temps que ces changements s’appliquent au système de DGOT, et que l’époque où l’on discriminait les donneurs d’organes queers au Canada soit révolue.

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CBRC

À propos de CBRC

Le Centre de recherche communautaire (CBRC) promeut la santé des personnes issues de la diversité sexuelle et de genre par le biais de la recherche et du développement d’interventions.
Les critères d’admissibilité au don de sang ont changé, mais les inégalités persistent pour les hommes queers donneurs d’organes
Les critères d’admissibilité au don de sang ont changé, mais les inégalités persistent pour les hommes queers donneurs d’organes
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