Dans la région de l’Atlantique, le fait de se faire dépister pour le VIH n’est pas aussi facile qu’il ne devrait l’être.
Le fait qu’environ 50 % des Canadiens de l’Atlantique vivent dans des régions rurales et que la densité urbaine est faible se traduit souvent par des services moins nombreux. Par exemple, il n’y a que deux cliniques communautaires spécialisées en santé sexuelle dans les quatre provinces de la région, soit l’une à St. John’s et l’autre à Halifax. De plus, le Centre de santé sexuelle d’Halifax est le seul endroit au Canada atlantique où vous pouvez obtenir un test de dépistage rapide du VIH sur place, et ce, malgré le fait que ces tests sont monnaie courante dans d’autres régions du Canada depuis plus d’une décennie (ils devront également vous le facturer, car contrairement aux autres provinces, ce test n’est pas couvert par le gouvernement provincial).
En matière de prévention, il y a également un sérieux manque de leadership de la part des gouvernements provinciaux. Malgré son efficacité, la prophylaxie pré-exposition (PrEP) n’est pas universellement accessible dans l’ensemble du Canada atlantique. Dans les provinces où la PrEP peut être couverte dans certains contextes, il faut s’inscrire au régime d’assurance-maladie provincial, ce qui constitue un obstacle pour certains. Et dans les provinces elle est couverte, ce fait n’est pas beaucoup publicisé par les agences gouvernementales. Par exemple, lorsque le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a ajouté la PrEP à son régime d’assurance-médicaments provincial, la responsabilité d’informer le public a incombé au AIDS Committee of Newfoundland and Labrador. De plus, il existe peu (voire aucune) campagne de santé publique portant sur le dépistage des ITSS ou la santé GBT2Q, et ce, malgré les récentes hausses des taux de STBBI au cours des dernières années, y compris de VIH.
Prenons l’exemple de la Nouvelle-Écosse. La seule clinique de santé sexuelle de la province est ouverte deux fois par semaine, et ce, seulement pendant quelques heures. Elle se trouve à Halifax, ce qui n’aide en rien les personnes habitant en dehors de la capitale qui ne peuvent pas se déplacer facilement pour se faire dépister. La pandémie a également créé des obstacles et des fardeaux supplémentaires. En Nouvelle-Écosse, le laboratoire provincial qui effectue les tests de dépistage d’ITSS est le même que celui qui traite les tests de dépistage de la COVID-19. Vu l’énorme demande pour les tests de dépistage de la COVID-19, la province a dû suspendre l’administration de tests de dépistage d’ITSS à deux reprises au cours de la dernière année.
Bien que de nombreux prestataires de soins primaires soient en mesure et désireux d’offrir des tests de dépistage d’ITSS, certains estiment qu’ils n’ont pas les compétences professionnelles nécessaires pour fournir des soins de santé sexuelle aux communautés 2SLGBTQIA+. Les patients sont souvent référés vers des cliniques communautaires, qui ont tendance à avoir une approche plus exhaustive en matière de santé sexuelle et à offrir un meilleur dépistage. Par exemple, ce ne sont pas tous les prestataires de soins primaires qui pensent à faire des prélèvements anaux ou même à demander à leurs patients s’ils en ont besoin. Les patients peuvent également décider de se rendre dans une clinique de santé sexuelle car ils ne se sentent pas à l’aise de parler de ces enjeux avec leur prestataire de soins primaires. Cela témoigne de la nécessité de mieux éduquer les prestataires sur tous les services de santé sexuelle, et particulièrement sur les besoins uniques des populations 2SLGBTQIA+.
Malgré tous ces défis, les Canadiens de l’Atlantique continuent de faire preuve de résilience. Par le passé, nous avons accompli beaucoup de choses avec très peu de ressources. Les efforts de prévention du VIH ont majoritairement été populaires, et il arrive trop souvent que les organisations communautaires sont chargées de combler les lacunes. Mais les outils permettant de réduire considérablement le taux de transmission du VIH sont à notre disposition. Les tests d’autodépistage du VIH sont maintenant une réalité, et nos gouvernements doivent s’adapter et soutenir cette option novatrice de dépistage. Le Canada atlantique accuse un léger retard, mais l’introduction du dépistage sur place permettra de contribuer considérablement à des efforts de dépistage et de prévention plus efficaces.
Nous devons mobiliser les communautés et demander aux gouvernements d’agir. Nous avons besoin de stratégies provinciales en matière de santé sexuelle exhaustives, éclairées par la communauté et fondées sur les principes de réduction des méfaits. Nous devons investir dans la technologie et les services liés à la santé sexuelle, notamment en augmentant la capacité de dépistage du VIH et des ITSS. La collaboration entre les organisations communautaires et le gouvernement est également essentielle. Les organismes communautaires ont déjà accompli une grande partie de ce travail avec un budget limité – imaginez ce qu’ils pourraient faire avec un financement plus approprié!
L’objectif des Nations Unies est d’éliminer le VIH d’ici 2030. Pour y arriver, il faut que les gouvernements, à tous les niveaux et dans toutes les régions, s’impliquent et fassent de la prévention du VIH une priorité.
Pour en savoir plus sur les trousses d’autodépistage du VIH offertes gratuitement aux personnes qui répondent à l’enquête Sexe au présent du CBRC, cliquez ici.
Par Kirk Furlotte, le gestionnaire régional du CBRC pour la région du Canada atlantique. Vous pouvez le rejoindre par courriel à [email protected].