Mise en garde : Ces témoignages sont l’expérience personnelle de personnes ayant été infectées par la mpox. Ils contiennent des descriptions choquantes des symptômes physiques et mentaux dont ces personnes ont souffert. La lecture de ces témoignages peut être dérangeante.
Peter K
Je travaille comme danseur professionnel. Entre janvier et avril 2022, j’ai été en contact avec de nombreuses personnes de la troupe de danse donc, vu le risque élevé d’infection à la COVID, j’ai évité de rendre visite à ma mère, qui est immunodéprimée.
Avec tout ce qui se passait, j’avais besoin de me défouler, alors je me suis rendu au sauna à Toronto à quelques reprises au cours de la même semaine. Quelques jours plus tard, j’ai commencé à tousser, mais comme je venais de terminer un confinement en raison de la COVID, j’ai recommencé à faire des performances. La toux s’est aggravée à un point tel qu’une forte quinte a provoqué une blessure à ma cage thoracique après un spectacle. C’était un samedi et, le dimanche soir, je suis tombé malade avec une forte fièvre, des sueurs nocturnes, des douleurs musculaires et des ganglions lymphatiques enflés – bref, toute une gamme de symptômes. Je me souviens à peine de ce qui se passait tellement j’étais fiévreux.
Le mardi suivant, je suis allé faire un test de dépistage des ITS, car je soupçonnais que c’était peut-être la syphilis ou la LGV. On m’a administré des piqûres douloureuses contre la syphilis et un traitement oral contre la chlamydia, mais aucun des deux traitements n’a amélioré mon état. Quelques jours plus tard, j’ai commencé à développer de petites plaies rouges autour de mon rectum et j’ai commencé à paniquer en pensant qu’il s’agissait de l’herpès. Je me suis rendu dans une autre clinique spécialisée en soins LGBTQ+ et on a cru que c’était le zona ou l’herpès.
C’était le début de l’épidémie à Toronto, cinq ou six semaines avant que l’on commence la campagne de vaccination contre la mpox. À la clinique, on m’a prescrit des antiviraux contre l’herpès et on a expédié mes prélèvements. Le lendemain matin, la douleur était devenue assez intense et les plaies étaient maintenant accompagnées de points blancs. À force de chercher sur Google, j’ai commencé à comprendre que j’avais contracté la mpox et je me suis rendu à l’hôpital. J’ai dû remplir un formulaire de 11 pages pour accéder au test. Le médecin était exaspéré de devoir composer avec autant de paperasse et d'effectuer la recherche de contacts, car les urgences étaient débordées. Le résultat du test qui est revenu quelques jours plus tard indiquait la présence de l’Orthopoxvirus (un type de virus à ADN qui infecte les humains et les animaux) et on a alors acheminé ce résultat à Winnipeg pour le dépistage de la mpox. À ce stade, le transport du matériel vers Winnipeg avait pris du retard, de sorte qu’il a fallu près de trois semaines pour obtenir un résultat positif. Je suppose que j’ai un orifice dangereux!
On m’a renvoyé chez moi le samedi soir et, au bout de 12 heures, la douleur est devenue atroce. Je n’avais jamais ressenti une telle douleur auparavant, même si j’ai déjà eu de nombreuses douleurs névralgiques en lien avec diverses blessures de danse. C’est une douleur qui donne la chair de poule, impossible à contrôler, et c’était impossible de trouver une position confortable pour dormir. Je suis retourné à l’hôpital pour demander des analgésiques et, bien que les médicaments aient atténué la douleur, mon sommeil se limitait à quelques heures. Malgré tout, étant l’un des premiers cas diagnostiqués, j’ai reçu de très bons soins de la part du Dr Darrell Tan, également chercheur sur le VIH/sida à l’hôpital St Michael’s.
Le Bureau de santé publique de Toronto m’a appelé pour me dire de me confiner. J’étais l’un de leurs premiers cas et, en toute honnêteté, ça se sentait. Le personnel se démenait et faisait des pieds et des mains, car ça les dépassait. À un moment donné, on m’a même demandé de tripler l’emballage de mes ordures pour qu’un service de collecte de matières dangereuses puisse venir récupérer les « déchets de mon orifice dangereux ». J’arrivais à peine à marcher dans mon appartement tellement mes plaies saignaient et suintaient. La plupart de mes plaies se trouvaient sur mon rectum et mes fesses, mais j’en avais aussi une sur mon pied, ce qui m’empêchait de marcher, et d’autres sur mon visage et mes bras.
J’ai dû arrêter de travailler complètement pendant un mois. Je paniquais pour l’argent et le loyer. Le stress mental était terrible. Je n’ai pas été à la selle pendant plus d’une semaine. Je poussais et poussais, mais rien ne sortait et je sentais comme des lames de rasoir à cet endroit. Je ne mangeais pas beaucoup et vu que plusieurs de mes ami·e·s n’étaient pas en ville, j’avais du mal à me procurer de la nourriture.
D’habitude, je publie beaucoup en ligne au sujet de mes pratiques sexuelles, y compris sur ma dérape de sexe d’une semaine, mais lorsque j’ai contracté la mpox, je ne savais pas comment aborder la question avec mes abonné·e·s. Certaines personnes ont deviné ce que j’avais et quelqu’un de la CBC m’a contacté pour me demander si je voulais parler de mon expérience. Depuis, j’ai accordé plusieurs entrevues à la presse écrite, à la radio et à la télévision, partout au Canada. Dès la diffusion de ma première entrevue avec la CBC, j’ai reçu beaucoup de messages haineux et agressifs de la part d’inconnu·e·s en ligne, y compris des messages anonymes me disant que je devrais mourir par l’épée, que je suis une pute et que j’ai la « variole des tapettes ». C’est la première fois que je vis autant de haine.
En même temps, des gens que je ne connais pas ont commencé à m’envoyer des transferts d’argent par courriel. Je reçois encore tous les jours des messages de personnes inquiètes d’avoir contracté la mpox qui se demandent quoi faire. La stigmatisation au sein de la communauté est réelle – même après plusieurs tests négatifs, je me suis fait demander en contexte de massothérapie et de coiffure s’il y avait un risque de transmission par le toucher. Finalement, ces personnes ont mis des gants avec moi.
Pour ma part, j’ai voulu obtenir de l’aide auprès du Bureau de santé publique de Toronto, sans succès. Les personnes atteintes de la mpox ne reçoivent aucun soutien à l’heure actuelle, c’est ridicule. J’ai été sidéré par leur désorganisation, d’autant plus que Montréal est à quelques heures de route et que ce travail s’effectue là-bas depuis des semaines déjà.
Le Bureau de santé publique de Toronto a lancé un appel au sujet d’une personne qui avait fréquenté l’Axis Club et le Woody’s Bar à certaines dates. J’ai pensé que les autorités feraient de même pour moi, compte tenu des circonstances. J’ai fréquenté le sauna presque quotidiennement pendant une semaine. Lorsque j’y vais, j’ai généralement les yeux bandés et j'ai plusieurs partenaires sexuels. De toute évidence, j’ai contracté la mpox au début de la semaine au sauna, à en juger par le moment où mes symptômes sont apparus. Je sais avec certitude que je l’ai transmis à plusieurs personnes plus tard cette semaine-là, quelques heures seulement avant de tomber malade. Mais aucun appel n’a été lancé sur les médias sociaux pour alerter les gens qui sont allés au sauna aux mêmes dates que moi.
Je porte une cage de chasteté en tout temps, alors mon orifice est mon organe sexuel. Je n’ai pas pu avoir de relations sexuelles depuis, car il subsiste beaucoup d’inconfort, d’inflammation et de sang. Je suis très gêné par les points rouges qui sont toujours présents sur mon corps depuis mon infection, y compris quand je vais à la plage. Parfois, les gens me reconnaissent et me remercient d’avoir partagé mes expériences, tandis que d’autres me montrent du doigt et ne veulent pas s’approcher. J’ai un grand réseau de soutien et je me moque de ce que les autres pensent. Tout ce que je veux, c’est sensibiliser les gens quant au manque de ressources et de soutien dont on dispose, moi et les autres personnes atteintes de la mpox.
Peter K. est un danseur, performeur, directeur artistique, enseignant, producteur et entraîneur personnel queer établi à Toronto.
Pour de plus amples informations sur la mpox, sur les façons de vous protéger et de prendre soin de vous, cliquez ici.
[Le CBRC a invité des personnes qui ont souffert de la mpox à nous faire partager leur expérience, en espérant réduire la stigmatisation associée à la maladie et permettre la circulation d’information de première main au sein de nos communautés. Nous savons que ce qui est fait actuellement pour soutenir les personnes qui contractent la mpox n’est pas assez. Nous tenons à remercier ces personnes qui ont accepté de nous raconter leur histoire publiquement et à souligner leur courage.]