Le projet pilote Do You Mind? fête sa première année d’existence

Créé pour aider à répondre aux besoins des jeunes 2SLGBTQ+ du Canada en matière de santé mentale, le projet Do You Mind? du CBRC a récemment fêté sa première année d’existence avec des programmes réussis à Halifax, Edmonton et Vancouver.

« Notre objectif était d’habiliter les jeunes queer et trans à devenir des défenseurs de la santé menta-le au sein de leur propre communauté », explique Fowzia Huda, la coordonnatrice pancanadienne du projet qui présentera les résultats de la première année du projet pilote ce jeudi 25 mars lors d’un webinaire. Elle sera accompagnée des coordinateur·rice·s du programme, soit Kirk Furlotte (The Youth Project), Holly Abt (EMHC), Emily Bailey (YouthCO) et Ricky Rodrigues (CBRC).

Le programme Do You Mind? a d'abord été développé en réponse aux résultats de l’édition 2018 de l’enquête Sexe au présent du CBRC. L'étude a décelé des différences importantes au niveau des résultats de santé mentale entre les personnes issues de minorités sexuelles et les personnes hétéro-sexuelles. Elle a également mis en lumière les obstacles uniques rencontrés par les hommes gais, bisexuels, transgenres, bispirituels et queer (GBT2Q) et les personnes non binaires rencontrent lorsqu'iels tentent d'accéder à des services tels que des conseillers cliniques, des psychiatres ou des travailleurs sociaux. Les données suggèrent également que les jeunes hommes trans et les per-sonnes non binaires sont confrontés à des disparités encore plus importantes en matière de santé mentale par rapport à leurs pairs GBQ cisgenres.

« Il était évident qu'il fallait en faire plus afin de répondre aux besoins des personnes trans et non binaires en matière de santé mentale au Canada », déclare Huda. « Avec le développement d'un programme comme Do You Mind?, nous espérons avoir un impact important sur l'amélioration de la santé mentale des communautés queer et trans élargies. »

Même si l'enquête Sexe au présent était axée sur la vie des hommes GBT2Q et des personnes non binaires, l'équipe de Do You Mind? a estimé qu'il était important que le programme réponde aux besoins de tous les jeunes 2SLGBTQ+. (Le CBRC comblera cette lacune à l’avenir en recueillant des données essentielles sur la santé mentale des communautés de minorités sexuelles et de genre plus larges).

En collaboration avec The Youth Project à Halifax, EMHC à Edmonton et YouthCO à Vancouver, le CBRC a rencontré ses partenaires au début 2020, avant la pandémie, pour discuter des besoins de chacune de ces régions. Il a alors été décidé que Do You Mind? serait adapté à chaque ville, of-frant aux participant·e·s la possibilité d'accroître leur connaissance des bonnes pratiques en matière de santé mentale et de développer leurs compétences afin de créer des projets pilotes en santé men-tale qui auront un impact sur leurs communautés.

« Le programme a été conçu par et pour la communauté par la communauté », explique Huda. « Les membres de la communauté sont les mieux placés pour déterminer ce dont iels ont besoin, puis s'efforcent de répondre à ces besoins avec le soutien de l'agence partenaire. » En tant que coordina-trice pancanadienne du programme, Huda voue une passion à son travail. « Certains d'entre nous n'ont pas pu bénéficier de ce type d'accès en grandissant, et nous sommes maintenant en mesure d'apporter notre contribution afin de nous assurer que les plus jeunes puissent accéder aux services de santé mentale. »

HALIFAX

« À Halifax, nous avons établi un partenariat avec The Youth Project », explique Kirk Furlotte, gestionnaire régional de l'Atlantique du CBRC. « Nous avons travaillé avec eux afin de planifier la prestation du programme et de recruter des participant·e·s et des conférencier·ère·s invité·e·s. Iels étaient ravi·e·s d'avoir l'occasion de faire quelque chose pour les jeunes adultes et d'avoir une pro-grammation nouvelle et unique en son genre pendant la pandémie. »
Comme pour nos autres projets, la pandémie a compliqué les plans initiaux de la cohorte de Hali-fax. Cependant, les restrictions étaient un peu moins sévères que dans d'autres régions, et The Youth Project a pu organiser un déjeuner pour les jeunes participant·e·s et les animateur·rice·s qui respectait les mesures de distanciation sociale. « L’événement a permis de rassembler un groupe assez diversifié formé de cinq participant·e·s et qui comprenait une personne arrivée au Canada de-puis peu ainsi que des personnes non binaires et bispirituelles. »

Le groupe a discuté de l'importance de raconter des histoires et de la nécessité de se réapproprier son propre récit, et ce, car la plupart des histoires à propos des jeunes 2SLGBTQ sont souvent tra-giques. Le groupe a eu l'idée d’organiser un atelier d'écriture où les participant·e·s pourraient écrire et échanger des histoires inspirantes afin de publier un éventuel zine collaboratif intitulé Small Wins, Queer Victories. Le contenu explorerait pourquoi même la plus petite victoire peut être con-sidérée comme un acte d’autosoin.

« Nous avons beaucoup parlé de résilience », explique Furlotte, « et de la facilité avec laquelle nous pouvons tenir pour acquises des choses telles que le fait de sortir du garde-robe et de vivre son identité ouvertement. Demander aux gens de respecter vos pronoms peut sembler pénible, mais le fait d'en être arrivé au point où vous pouvez faire cette demande, où vous avez su développer la ré-silience pour la faire est quelque chose que nous ne célébrons pas assez. Ce sont de petits succès qui mènent à de grandes victoires queer. »

Furlotte a été très impressionné par sa cohorte et trouve que le manque de programmes similaires pour les jeunes 2SLGBTQ+ est étonnant. « Il est logique qu'il y ait plus d'ateliers de renforcement des compétences en santé mentale ou d'opportunités de développement du leadership pour les jeunes queer, trans et bispirituel·le·s car nous savons qu'iels sont affecté·e·s de manière dispropor-tionnée. Il ne s'agit pas seulement de pratiquer les autosoins. Il s'agit de reconnaître que si nous voulons changer les choses, nous devons donner aux jeunes les moyens d'être les leaders de ce changement et les doter des compétences nécessaires pour défendre leurs droits et leurs intérêts. »

EDMONTON

La cohorte Do You Mind? d'Edmonton a choisi d'explorer le mentorat et les échanges intergénéra-tionnels dans le cadre de son projet. Le fait de forger des liens entre les membres de la communauté – en particulier entre ceux issus de différentes générations – a été identifié comme un moyen effi-cace de doter les jeunes membres de la communauté 2SLGBTQ+ des outils, des ressources et du soutien nécessaires afin de faire face aux défis sociaux et de santé mentale auxquels iels sont con-fronté·e·s.

En collaboration avec EMHC, le CBRC a lancé un appel à candidatures pour un programme de mentorat 2SLGBTQ+ en décembre 2019. « Nous avons examiné les candidatures et priorisé les besoins », explique Holly Abt, coordonnatrice communautaire du programme à Edmonton. « Nous avons d'abord examiné les applications des personnes à la recherche d’un·e mentor et identifié leurs besoins. L'une des choses que nous avons identifiées était le manque de soutien social dans les mi-lieux ruraux où il n'y a pas beaucoup de ressources. Nous avons ensuite examiné les applications de personnes voulant être mentors pour identifier celles qui correspondaient aux candidat·e·s. » Bien que l'objectif fût de miser sur la création de liens intergénérationnels, cela n'a pas toujours été possible, car certain·e·s des candidat·e·s pour être mentor étaient iels-mêmes des jeunes. « Nous avons essayé de faire en sorte que les jumelages soient intergénérationnels, mais nous voulions aussi tenter de créer des liens durables. Nous avons également examiné les identités intersection-nelles partagées ainsi que d'autres préférences. »

Malgré la réception de près de 50 candidatures de la part de mentors potentiel·le·s, seuls 12 jume-lages ont pu être effectués au EMHC. « Malheureusement, beaucoup de personnes ont dû être re-fusées », dit Abt. Les trois quarts de la cohorte étaient originaires d'Edmonton et environ un quart venait de Lacombe, une petite ville au sud d'Edmonton. Le programme de 6 semaines s'est déroulé sur Zoom au cours de l'été 2020, avec des paires d’individus d’à travers l'Alberta qui se rencon-traient à raison d’une heure par semaine. Il y avait trois catégories de mentorat différentes : le co-ming out; le fait de naviguer les services; et les rencontres et les relations. « Nous avons proposé des sujets afin de favoriser la discussion, des questions exploratoires ouvertes portant sur chaque catégorie, mais nous ne voulions pas les limiter dans leurs échanges et nous les avons encouragés à parler de choses au-delà de la thématique. » Une paire a même passé son temps à cuisiner en-semble.

Une grande partie des commentaires que nous avons reçus sur l'intervention affirmaient que l’expérience a été très validant pour les participant·e·s. « Cela a permis aux personnes de se sentir confiantes par rapport à leurs identités », dit Abt. « Elles ont eu le sentiment de ne pas être seules. Cette validation et cette affirmation de leur identité et de leur vécu étaient vraiment puissantes. »

L’une des leçons principales qu’Abt a tirées du programme d'Edmonton est que les jeunes appré-cient l'apprentissage intergénérationnel. « Une critique que nous avons reçue était que certaines per-sonnes n’ont pas pu faire l’expérience de cette composante intergénérationnelle lorsqu'elles étaient jumelées avec quelqu'un dans la même tranche d’âge qu’elles. « Un autre apprentissage est l'impor-tance de la représentation. « Beaucoup de gens ont dit qu'ils prévoyaient s'impliquer davantage au sein de leur communauté queer après cette expérience et qu'ils aimeraient se faire plus d'ami·e·s queer – surtout dans le contexte de la pandémie actuelle, où les gens se sentent plus isolés et qu'il y a certains sujets dont vous ne pouvez simplement pas parler avec vos amis cis et hétéros. »

VANCOUVER

À Vancouver, le CBRC s'est associé à YouthCO. « On nous a demandé de trouver des façons nouvelles et créatives de rassembler les jeunes queer et trans de la vallée du Fraser », affirme Emily Bailey, gestionnaire du programme. Malgré les restrictions en place en Colombie-Britannique, le groupe a obtenu l’autorisation de se réunir en personne pour une retraite de quatre jours à Abbotsford afin d'explorer les intersections entre leurs identités queer et trans et la santé mentale ainsi que le VIH.

Le programme a permis de rassembler cinq participant·e·s et deux animateur·rice·s. Ensemble, le groupe a décortiqué ses pensées et ses expériences en matière de santé mentale et a su identifier un vécu commun en lien au consentement et aux idées suicidaires. « Nous avons eu une conversation assez longue sur les nuances compliquées concernant l'obligation de signaler que certains fournis-seurs de services dans nos vies ont dû appliquer, et comment cette expérience s’est finalement avé-rée traumatisante pour beaucoup d'entre nous lorsque que nous avons partagé nos idées suicidaires », dit Bailey. « Souvent, des mesures sont prises pour intervenir concernant ce que d'autres per-sonnes jugent nécessaire pour nous, et ce, sans notre connaissance. »

Ensemble, le groupe a commencé à discuter de ce qui pourrait être fait à cet égard qui aurait un im-pact sur leur communauté tout en répondant à leurs propres besoins en matière de pouvoir d’agir personnel. Les membres de la cohorte ont discuté des compétences qu'iels aimeraient posséder ainsi que des compétences qu'iels aimeraient que les personnes de leur entourage aient – des personnes qui ne sont pas nécessairement des prestataires de services, comme d'autres pairs ou des membres de leur famille. « Nous aimerions qu’iels sachent comment nous soutenir lorsque nous commen-çons à avoir des pensées suicidaires. »

Le groupe a fini par créer une ressource en ligne qui énumère cinq choses qu'iels auraient aimé que les gens fassent pour eux à ce moment. « C’est un peu comme si nous parlions à nos pairs, car nous sommes tou·te·s deux des personnes qui ont des idées suicidaires et qui connaissent des per-sonnes qui ont des idées suicidaires », explique Bailey. « Ce sont des façons de nous soutenir les uns les autres qui peuvent centrer le consentement, nos relations et notre bien-être. »


Pour Bailey, le fait d’animer ce programme pendant la pandémie a vraiment mis en lumière la né-cessité du programme Do You Mind? « Nous avons été très privilégié·e·s en Colombie-Britannique de pouvoir le faire d'une façon qui n'a pas été possible pour nos pairs ailleurs au pays. Je sais que cette période a eu un impact important sur ces cinq jeunes. Nous avons déjà vu la façon dont iels ont assumé un rôle de leadership si différent au sein de leurs communautés. »

CE QUE NOUS AVONS APPRIS

Dans l'ensemble, même si elle a été stressante et difficile l’ensemble des personnes impliquées, la première année de Do You Mind? a été un succès. Les coordinateur·rice·s du programme ont dû être accommodant·e·s, relever les défis et s'adapter aux besoins de nos partenaires. « Nous avons reçu des commentaires positifs par le biais d’évaluations menées à travers le pays », dit Huda. « Les commentaires que nous avons reçus nous aideront à nous améliorer pour le prochain cycle du programme. »

Avec les restrictions de COVID-19, toutes les interventions ont dû passer en ligne. Cela présentait certains avantages (la possibilité de rejoindre des personnes habitant dans des régions éloignées, pas besoin de trouver un service de garde d’enfants afin de participer), mais aussi quelques incon-vénients (lien moins organique entre les participant·e·s, devoir avoir accès à Internet et à un ordina-teur). « Nous venons de terminer l'une des années les plus difficiles pour tout le monde », affirme Huda. « L’année prochaine, nous serons en mesure de mieux planifier les choses et d'avoir des plans alternatifs. Nous savons maintenant comment mieux mobiliser les gens en ligne, car les temps évoluent. Nous pourrons organiser des sessions hybrides au fur mesure que les vaccins de-viendront plus disponibles afin de conserver le côté humain du programme tout en restant fidèles aux responsabilités de ce dernier. Espérons que le deuxième cycle sera encore meilleur que le pre-mier. »

Ce webinaire a eu lieu en mars 2021, mais vous pouvez toujours l'écouter en cliquant sur ce lien.

Available in English.

CBRC

À propos du CBRC

Le Centre de recherche communautaire (CBRC) promeut la santé des personnes issues de la diversité sexuelle et de genre par le biais de la recherche et du développement d’interventions.
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