Ces dernières années, nous avons assisté à l’apparition d’une vague de lois anti-trans un peu partout dans le monde. En 2024, 48 projets de loi visant à limiter les droits des personnes trans et au genre créatif en matière d’éducation, de sport, de soins médicaux et d’espaces publics (tels que les salles de bains genrées) ont été adoptés aux États-Unis.[1] Malheureusement, le Canada suit le mouvement.
Trois provinces canadiennes ont récemment adopté des lois et des politiques qui restreignent les droits des personnes trans. En octobre 2023, la Saskatchewan a adopté une loi exigeant le consentement parental pour que les élèves puissent utiliser leurs prénoms ou pronoms de préférence à l’école. Le Nouveau-Brunswick a proposé une politique similaire, tandis que les projets de loi soumis en Alberta vont encore plus loin et réduisent l’accès des personnes trans aux soins d’affirmation de genre et leur participation à des sports. Aujourd’hui, les politiques albertaines sont sur le point de devenir des lois, ce qui soulève de sérieuses inquiétudes quant aux droits des personnes 2S/LGBTQIA+ au pays.[2]
Ce qu’il faut savoir, c’est que ces initiatives contredisent les preuves scientifiques connues. Nous savons que les personnes trans et au genre créatif, en particulier les jeunes, connaissent déjà des problèmes de santé importants; on observe notamment des taux plus élevés de dépression, d’anxiété et de pensées suicidaires chez les personnes trans que chez les personnes cisgenres.[3] Les recherches montrent invariablement que l’exclusion sociale et les traitements injustes provoquent du stress chez les groupes minoritaires, ce qui entraîne des problèmes de santé mentale.[4] Pour les personnes trans, ce stress découle souvent de l’impossibilité d’accéder à des soins d’affirmation de genre, du rejet de leur famille et de l’expérience quotidienne de mégenrage et de discrimination.
L’introduction de lois anti-trans exacerbe les inégalités en matière de santé. En institutionnalisant la discrimination dans les écoles, les établissements de santé et les sports et en réduisant l’accès à des environnements favorables, ces lois augmentent le stress des minorités. En fait, une récente étude américaine publiée dans Nature Human Behaviour montre que l’adoption de lois anti-trans peut faire augmenter de 72 % les tentatives de suicide chez les jeunes trans et non binaire.[5]
Les récentes politiques anti-trans adoptées au Canada risquent d’avoir des conséquences considérables. En effet, elles encouragent le mégenrage, tout en exposant les jeunes qui ne sont pas soutenu·e·s par leur famille à des risques de violence, d’abandon et d’itinérance. Les jeunes ont besoin de sécurité et de soutien pour s’épanouir, et ces lois éliminent des espaces sûrs auxquels les jeunes trans et au genre créatif pourraient avoir accès.
Par ailleurs, la recherche montre que le soutien social et l’affirmation du genre améliorent considérablement les résultats en matière de santé mentale. Pour les jeunes trans, l’affirmation sociale, y compris l’utilisation de leurs prénoms et pronoms de préférence, peut réduire le risque de suicide de plus de 70 %.[6] C’est pourquoi il est particulièrement important de créer des environnements favorables à l’affirmation de genre, surtout pour celleux qui manquent de soutien à la maison.
Devant ces enjeux, les allié·e·s ont un rôle important à jouer. Voici quelques mesures pouvant être prises :
- Renseignez-vous – Participez à des ateliers en ligne gratuits proposés par des organismes comme le Centre de recherche communautaire (CBRC) et Egale pour en savoir plus sur la diversité des genres et sur les moyens de soutenir les communautés 2S/LGBTQIA+.
- Exprimez-vous – Communiquez avec vos député·e·s et faites-leur savoir que la protection des droits des personnes trans est à la fois une question de droits de la personne et de santé publique.
- Soutenez des organismes dirigés par des personnes trans – Appuyez des organismes comme Momentum en faisant un don, en devenant bénévole ou en vous abonnant à leur infolettre.
Ces lois discriminatoires suscitent de vives inquiétudes quant à la santé et au bien-être des jeunes trans et au genre créatif. Il est aujourd’hui particulièrement important de créer pour elleux des espaces solidaires et favorables à l’affirmation. En agissant par l’éducation, la défense des droits et le soutien direct, nous pourrons réduire les conséquences néfastes des lois anti-trans.
Par Marina Khonina
Ce billet a été adapté de l’article de Marina Khonina et Dr. Travis Salway publié dans la Revue canadienne de santé publique.
Marina Khonina (iel) poursuit des études doctorales en sciences de la santé à l’Université Simon Fraser. Ses travaux visent à promouvoir une participation, une sécurité et une affirmation accrues des personnes trans et au genre créatif dans le sport au Canada, par le truchement de politiques et de pratiques fondées sur des données probantes.
Références
[1] Translegislation. (2024), 2024 anti-trans bills tracker, consulté le 9 décembre 2024, sur https://translegislation.com/.
[2] Mason, C. L., et Hamilton, L. (28 octobre 2024), « Alberta’s impending anti-2SLGBTQIA+ legislation is stoking fear and anxiety », The Conversation, http://theconversation.com/albertas-impending-anti-2slgbtqia-legislation-is-stoking-fear-and-anxiety-241874.
[3] McNeil, J., Ellis, S. J. et Eccles, F. J. R. (2017), « Suicide in trans populations: A systematic review of prevalence and correlates », Psychology of Sexual Orientation and Gender Diversity, 4(3), p. 341-353.
[4] Chodzen, G., Hidalgo, M. A., Chen, D. et Garofalo, R. (2019), « Minority Stress Factors Associated With Depression and Anxiety Among Transgender and Gender-Nonconforming Youth », Journal of Adolescent Health, 64(4), p. 467 471, https://doi.org/10.1016/j.jadohealth.2018.07.006.
[5] Lee, W. Y., Hobbs, J. N., Hobaica, S., DeChants, J. P., Price, M. N. et Nath, R. (2024), « State-level anti-transgender laws increase past-year suicide attempts among transgender and non-binary young people in the USA », Nature Human Behaviour, 1-11, https://doi.org/10.1038/s41562-024-01979-5.
[6] Bauer, G. R., Scheim, A. I., Pyne, J., et coll. (2015), « Intervenable factors associated with suicide risk in transgender persons : A respondent driven sampling study in Ontario, Canada » BMC Public Health, 15(1), p. 525.