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Jordan Angeconeb (iel) est fondateur de la compagnie de production Ever Sick!, le directeur des services à la jeunesse et des loisirs communautaires dans la Première Nation de Lac Seul, où iel défend les droits des personnes 2S/LGBTQIA+ autochtones. Fier d’appartenir au clan Caribou signataire du Traité numéro 3, iel consacre ses efforts à accroître la visibilité des personnes bispirituelles et à leur ouvrir des possibilités dans tout le nord-ouest de l’Ontario. Jordan a marqué l’histoire en amenant des spectacles drag et des célébrations bispirituelles dans plusieurs réserves de l’Ontario.
« Je rêvais d’organiser la Journée de célébration des communautés LGBTQQIA+ autochtones et de sensibilisation à la bispiritualité sur les terres de la réserve et d’y faire flotter notre drapeau. J’ai fait de cette vision une réalité. L’an dernier, le chef et le Conseil ont officiellement reconnu cette journée. Ensemble, nous avons créé à Lac Seul des espaces qui n’étaient précédemment pas accessibles aux personnes bispirituelles et avons ainsi offert aux membres de notre communauté un véritable sentiment d’appartenance. »
Le parcours de Jordan vers l’activisme ne s’est pas fait sans heurt. Dans sa jeunesse, iel a vécu des problèmes d’itinérance et de dépendance, et s’est souvent senti isolé dans ses expériences de personne queer autochtone au Canada. Puis vint la pandémie. Pendant le confinement, Jordan a passé la majeure partie de son temps cloîtré dans son studio à Ottawa. « Je n’avais rien d’autre à faire que de m’entraîner à me maquiller. Alors, j’ai passé des mois à me maquiller et me démaquiller. »
Jordan a vécu la mort de son frère comme un signal d’alarme. « Je me suis dit : “Hé, il faut que j’arrête de boire et de consommer, parce que je n’arriverai jamais à rien si je continue comme ça. Je dois aller de l’avant”. Je ne voulais pas devenir une autre statistique. »
C’est à ce moment-là que Jordan a décidé de changer les choses. Inspiré par l’activisme de Teddy Syrette à Sault Ste. Marie, Jordan a décidé de lui prêter main-forte pour proposer un spectacle de drag entièrement autochtone dans la Première Nation de Batchewana, en août 2022. « On savait qu’on était en train de créer quelque chose d’historique. On rassemblait des artistes autochtones queers de l’Ontario qui, par le passé, n’avaient que peu ou pas d’espace pour se réunir ou s’exprimer en drag dans un espace exclusivement consacré aux Autochtones. On a créé cet espace. »
L’événement a déclenché un mouvement qui a encouragé d’autres artistes drag autochtones à produire leurs propres spectacles. « Ça a permis de montrer qu’il existait une communauté de personnes queers autochtones avec du talent à revendre… En général, on nous oubliait complètement dans le nord de l’Ontario. On a dû aller sur le terrain et créer nos propres occasions de performance. »
Jordan est fier de constater que le mouvement a pris de l’ampleur et que les artistes drag autochtones offrent maintenant des spectacles dans tout l’Ontario. À présent, il prépare la prochaine Journée de célébration de la bispiritualité dans la Première Nation de Lac Seul, qui coïncidera avec l’équinoxe de printemps.
« On est prêt pour 2025! Le Grand Conseil du Traité numéro 3 nous offre son plein soutien cette année. Nous organisons deux journées entières d’événements, en commençant par une cérémonie de lever du drapeau, suivie d’une rencontre bannique et thé. J’animerai un atelier sur la diversité et l’inclusion sur le lieu de travail et dans le milieu du tourisme. On est aussi super enthousiaste à l’idée que Chelazon Leroux, de Canada’s Drag Race, se joigne à nous pour une prestation et un atelier sur la santé mentale et les traumatismes intergénérationnels. Et bien sûr, il y aura un bingo pour la communauté! »
Malgré sa fierté de voir tous les progrès accomplis, Jordan n’a pas l’habitude d’accepter les compliments. « Cela ne fait pas partie de nos sept enseignements. Je sais que mon travail fait la différence — il sauve et change la vie des gens — mais je n’ai pas besoin d’être partout sur les médias sociaux pour trouver une validation. Je connais ma valeur maintenant. »
Photo: Jordan Angeconeb