Pas tout à fait à ma pl-ace

Le fait de parler de stigmatisation structurelle peut être difficile, surtout car elle nous affecte tous différemment. Je tiens donc à préciser que ce que je vais partager ne représente que mes propres observations et expériences.

Je suis un immigrant philippin de première génération queer et visiblement brun avec un nom de famille français (Lowell veut dire « petit loup »). Je suis un croyant membre de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours (la communauté mormone) et je me situe en quelque part sur le spectrum asexuel. À vrai dire, je suis demisexuel, ce qui veut dire que je ne ressent pas d’attirance sexuelle à moins d’avoir une connexion émotionnelle importante avec la personne.

On pourrait dire que j’ai plusieurs identités qui se rejoignent. Par conséquent, je vis plusieurs sortes de stigmatisation et de marginalisation. Leur impact cumulatif a une influence négative sur ma qualité de vie et ma capacité à mener une existence prospère. De nombreux individus font des suppositions erronées à mon égard et j’aimerais addresser ce sujet.

Préjugés racisés
Je sais définitivement que les gens me voient à travers une lentille racisée. Lorsqu’ils m’observent, ils voient une petite personne brune à l’ethnicité ambiguë. Lorsque je fais part de mon identité philippine, j’ai l’impression que les gens me casent souvent comme étant une minorité travaillante, obéissante et endurante destinée à travailler derrière le comptoir du Tim Hortons le plus proche.

Je fréquentais un homme gai blanc et je lui ai demandé comment il percevait les dynamiques de notre relation interraciale. Je lui demandé comment il percevait le fait de sortir avec une personne issue d’un autre contexte ethnoculturel – un individu souvent assigné à des postes de services à la clientèle ou de domestique. Il m’a rétorqué : « Bien, tu es différent, mais tu n’es pas la main-d'œuvre. » Cela m’a indigné et il s’est excusé en m’assurant qu’il n’avait pas voulu m’offusquer. Je ne pouvais pas m’empêcher de me demander si le fait d’être la « main-d’œuvre » ferait de moi un partenaire moins désirable? Est-ce que ma position sociale lui importait?

Tout cela m’a aidé à réaliser à quel point le classisme et le racisme sont monnaie courante dans notre communauté. Je comprends ce besoin de trouver un partenaire compatible pour ce qui est du niveau d’éducation et du statut social, mais je ne crois pas que ces choses sont synonymes d’être une meilleure personne. Qu’est-il arrivé au fait de garder l’esprit ouvert aux gens et à leur potentiel? Nos expériences de vie diffèrent et je ne crois pas que les différences en matière de classe sociale ou de race ne devraient pas être des bémols.

Fidèlement queer
Le fait d’être à la fois queer et Mormon présente également son lot de défis. On me dit que je suis trop queer pour être Mormon et trop Mormon pour être queer. On dirait que je suis un intrus qui n’appartient pas à l’une ou l’autre de ces communautés. J’ai l’impression d’être toléré plutôt qu’accueilli et d’être ridiculisé car je désire pouvoir m’épanouir spirituellement tout en célébrant mon identité de personne queer fière. On me dit plutôt que je dois choisir entre les deux. Je suis tellement frustré et confus que je me sens parfois comme Beyoncé dans ce GIF où elle sort une pizza entière de ses cheveux.

Por que no los dos? Pourquoi ne puis-je pas être à la fois queer ET mormon? Ces gymnastiques mentales sont fatigantes et ont souvent contribué à mon désespoir et à ma dépression. J’étais convaincu que personne n’allais jamais être capable de m’aimer pour ce que j’étais. C’est à ce moment que j’ai vu une vidéo « It Gets Better » de l’Université Brigham Young qui m’a montré que je n’étais pas le seul à vivre cette situation. J’ai constaté que ma communauté religieuse compte de nombreux individus qui honorent (à divers degré) à la fois leur identité queer et leurs croyances. Cela m’a poussé à chercher du counselling et des conseils, ce qui m’a permis de mieux m’accepter tel que je suis. Je me sentais finalement validé.
Pour finir, j’aimerais parler de mon identité asexuelle en la situant dans la culture gaie contemporaine. L’image actuelle de l’homme gai est fortement sexualisée et représente un autre aspect auquel je ne correspond aucunement. Je me suis fait demandé plein de choses ridicules, du genre si je m’identifiais en tant que plante ou si je comptais me reproduire en me divisant en deux. L’ensemble de la culture gaie semble se résumer à l’apparence physique ou à la prochaine conquête sexuelle. Il n’y a qu’à regarder le nombre d’applications dédiés aux rencontres sexuelles. Le gars qui veut simplement rencontrer d’autres hommes afin de parler d’autre chose – l’iconographie de Disney, la scène ballroom de la côte est des États-Unis ou de la nature complexe de l’umami – est laissé pour compte.

Lors d’un sommet sur la santé des hommes gais, j’ai remarqué que de plus en plus de gens utilisaient l’expression « gars qui aiment les gars » plutôt qu’« hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes » afin de décrire la communauté dans son ensemble. Il s’agit d’un changement positif qui souligne l’aspect romantique de l’identité queer. Cela vient valider les individus qui ne ressentent pas toujours une attirance sexuelle. Mon identité ace (le terme que nous utilisons dans la communauté) m’a permis d’améliorer ma compréhension de la nature complexe des relations et de savoir comment mieux gérer ces dynamiques. Cela m’a montré l’importance d’investir autant – ou même davantage – dans mes relations platoniques. Le fait d’être ace m’a permis d’accorder mon attention à un vaste éventail de relations et à vraiment m’investir auprès de ceux qui comptent pour moi.

Dernier regard
Mon expérience en est simplement une parmi tant d’autres dans notre communauté. J’espère que je vous ai permis d’élargir votre perspective et que je vous ai inspiré à vous demander ce que vous pouvez faire afin d’améliorer la qualité de vie des membres de votre communauté queer. J’encourage tout le monde à examiner les privilèges dont ils bénéficient afin de déterminer comment ils pourraient les mettre à profit auprès de la communauté LGBTQIA+ élargie et de se rappeler que tout le monde veut se sentir accepté. Notre historique est riche. Efforçons-nous d’être plus inclusifs et accueillants. Nous pouvons faire mieux.

Par Lowell Villacanas Acorda

* Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que leur(s) auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement les politiques ou les opinions de la CBRC ou de ses bailleurs de fonds.

Available in English.

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À propos du CBRC

Le Centre de recherche communautaire (CBRC) promeut la santé des personnes issues de la diversité sexuelle et de genre par le biais de la recherche et du développement d’interventions.
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