Réflexions sur le projet de loi C-4 : l’opinion d’un activiste et d’un survivant sur la nouvelle interdiction fédérale des thérapies de conversion

*avertissement de contenu : suicide

À compter du 7 janvier, il sera illégal de pratiquer ou de promouvoir la « thérapie » de conversion au Canada, grâce à l’adoption rapide du projet de loi C-4 par le Parlement le mois dernier. En faisant de la pratique et de la promotion de la thérapie de conversion une infraction criminelle, la nouvelle loi envoie un message fort : les tentatives de changer, de nier ou de supprimer l’orientation sexuelle, l’identité de genre et l’expression de genre des personnes queer et trans ne sont pas acceptables.

Il s’agit d’une victoire majeure pour les survivant·e·s, les défenseur·euse·s et les chercheur·euse·s qui se sont consacré·e·s à mettre fin à cette pratique qui a profondément blessé et traumatisé les personnes 2SLGBTQ+ au Canada et ailleurs au monde. Pour sa part, le CBRC est extrêmement fier du rôle que les données de Sexe au présent ont joué dans l’adoption du projet de loi, notamment en décrivant la prévalence et l’impact de la thérapie de conversion au Canada.

Mais c’est aussi un moment très personnel pour moi, ayant moi-même survécu à une thérapie de conversion. Après avoir fait mon coming out à ma famille à l’âge de 19 ans, j’ai été orienté vers un thérapeute chrétien ex-gai, où j’ai participé à des séances de conseil par téléphone destinées à m’aider à « gérer » et à supprimer mes sentiments et mes pulsions homosexuels. Je n’ai pas bien supporté ces séances, et après une poignée de séances et d’intenses disputes avec ma famille au sujet de cette prétendue « thérapie », j’ai tenté de mettre fin à mes jours.

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Les personnes dans cette photo (de gauche à droite) : avocate et défenseuse des droits de la personne, Brittany Whalen; autaire, activiste et survivant·e de la thérapie de conversion, Gemma Hickey; directeur du litige du département de la justice, Bennett Jensen; directeur du transfert des connaissances et du développement des politiques du CBRC, Michael Kwag.

Bien que j’aie vécu la honte et le traumatisme dont tant de survivant·e·s ont parlé avec force, mon histoire est aussi celle d’un renouveau, d’une croissance et d’une autonomisation. À la fin d’une année extrêmement déstabilisante après mon coming out, j’ai trouvé par hasard une offre d’emploi au CBRC pour un projet de leadership en santé sexuelle chez les jeunes, ce qui m’a ouvert de nouvelles portes et de nouvelles possibilités qui m’étaient auparavant impensables. J’ai depuis réparé ma relation auprès de ma famille, et j’ai fait la paix avec leur insistance sur la thérapie de conversion, étant fondé sur une croyance sérieusement erronée qui leur a été transmise par l’église à laquelle nous appartenions.

Il y a beaucoup de raisons compliquées qui expliquent pourquoi j’ai hésité à partager mon histoire. Je suis très fier d’avoir bâti une carrière dans la recherche et la défense de la santé des personnes queer, mais je me sens également coupable de savoir que j’ai eu accès à des opportunités et à un soutien dont tant de survivant·e·s ont besoin, mais n’ont pas reçu. J’ai également hésité à m’identifier comme un survivant, car je n’avais pas l’impression que mes expériences en tant que personne racisée issue d’une famille d’immigrants se reflétaient dans la vision dominante de ce à quoi ressemble un survivant de la thérapie de conversion.

Mais maintenant, avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale sur la thérapie de conversion, le moment est venu de m’exprimer. Bien que l’interdiction soit une étape cruciale dans la lutte contre les formes les plus visibles de thérapies de conversion, elle ne suffira pas à démanteler l’homophobie et la transphobie systémiques dont cette pratique est issue. Tout comme nous devons débarrasser notre société des mauvais acteurs qui colportent des idées néfastes et frauduleuses, nous devons également faire pression en faveur de politiques et d’initiatives qui permettront de créer les communautés respectueuses dont nous savons que les personnes queer et trans ont besoin pour s’épanouir. Cela fournira des alternatives fondées sur l’amour et l’acceptation aux familles comme la mienne.

Alors que nous célébrons le fait que la thérapie de conversion sera bientôt illégale au Canada, c’est aussi le moment de réfléchir à l’important travail qui reste à faire, à la fois pour empêcher davantage les pratiques de conversion d’avoir lieu, mais aussi pour soutenir les survivant·e·s et renforcer les communautés. Il faut veiller à ce que les survivant·e·s puissent avoir accès à des soutiens et à des possibilités d’affirmation et de changement de vie qui ont aidé des personnes queer comme moi.

En parlant un peu de mon expérience, j’espère que cela encouragera d’autres survivant·e·s à continuer à partager leurs histoires. Nous poursuivons le travail de construire un monde meilleur pour les personnes de toutes les sexualités et identités de genre. Il n’est jamais trop tard, et votre histoire compte.

Par Michael Kwag,
Directeur du transfert des connaissances et du développement des politiques

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Le Centre de recherche communautaire (CBRC) promeut la santé des personnes issues de la diversité sexuelle et de genre par le biais de la recherche et du développement d’interventions.
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