Bien que les jeunes personnes queer d’aujourd’hui soient plus conscientes des enjeux de santé sexuelle, une stigmatisation, résultat de décennies de politiques homophobes et de l’épidémie du VIH/sida, persiste en lien à nos vies sexuelles. Ainsi, lorsque j’ai entendu parler pour la première fois à 17 ans de la PrEP, un médicament qui pouvait empêcher les gens de contracter le VIH, cela semblait être l’outil parfait pour réduire la transmission et combattre la stigmatisation, n’est-ce pas?
Malgré tous les efforts déployés pour éduquer nos propres communautés et la société en général sur le VIH/sida, la stigmatisation continue de façonner notre conception de la vie sexuelle des hommes gais. Devenue un point de mire après la découverte du virus et des années d’activisme découlant de l’inaction du gouvernement, la sexualité des personnes queer (et, plus précisément, celle des hommes gais et des femmes trans) est depuis étroitement associée au VIH. Apparemment, nous n’avons pas dépassé cette association. Si les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes représentent toujours la majorité des nouveaux cas de transmission du VIH, le VIH lui-même n’est pas une « maladie gaie » et la vie sexuelle des personnes queer n’est pas intrinsèquement plus « risquée » que celle des personnes hétérosexuelles.
Le type d’ignorance qui associe l’identité queer au VIH est le même qui empêche beaucoup d’entre nous de prendre la PrEP. Les hommes sous PrEP sont stigmatisés et décrits comme changeant souvent de partenaires, un préjugé visant notamment les hommes gais, et ce, souvent dans le but de contrôler le nombre de rapports sexuels que nous avons. Pour les jeunes queer qui font souvent partie de groupes sociaux très soudés (et oui, je parle de brunches — souvent accompagnés de mimosas), les obstacles rencontrés peuvent inclure le jugement et la honte. La stigmatisation de la PrEP peut donner l’impression aux personnes les plus à risque de contracter le VIH que la médecine préventive n’est pas faite pour elles, par peur d’être considérées comme des personnes « à risque » ou qui changent de partenaires trop souvent. Afin d’augmenter le taux d’utilisation chez les jeunes, nous devons éliminer la honte associée au sexe et élargir l’acceptation sociale de la PrEP.
Peu importe la quantité de rapports sexuels que vous avez, le fait de les rendre plus sûrs en prenant la PrEP, en utilisant un condom ou en réduisant sa charge virale afin d’être indétectable devrait être considéré comme des pratiques positives à encourager. Dans cette saison de Drag Race All Stars, la légendaire et iconique Trinity K. Bonet a dévoilé son statut sérologique lors d’une émission. Dans le défi Drag Activism du 7e épisode, son rap comportait les paroles suivantes : I'ma lead, I'ma fight, I'ma speak up for what's right. Positivity is fierce when you know your status, right? Elle poursuit cette discussion en parlant du fait que d’avoir une charge virale indétectable (ce qui signifie que vous traitez votre VIH avec des antirétroviraux) vous rend incapable de transmettre le VIH. En termes plus simples, indétectable = intransmissible (I=I). Une célébrité comme Trinity qui démystifie le VIH contribue à dissiper la honte et la stigmatisation tout en rendant les options de traitement et de prévention, y compris la PrEP, plus acceptables sur le plan social.
Cependant, si nous voulons vraiment augmenter l’adoption de la PrEP, nous devons aller au-delà de la culture pop et aborder les obstacles rencontrés par les jeunes queer dans le monde médical. L’outil utilisé par les prestataires de soins pour évaluer le risque de contracter le VIH chez un patient, c’est-à-dire le score HIRI-MSM, peut lui-même renforcer la stigmatisation. Une partie de ce test détermine le risque en fonction de l’âge, et les personnes de moins de 18 ans ne se voient attribuer aucun score de risque supplémentaire simplement en raison de leur âge. Le fait de supposer que les personnes de moins de 18 ans n’ont pas de rapports sexuels — et ne sont donc pas à risque de contracter le VIH — fait qu’il est plus difficile pour les jeunes de lancer la discussion sur l’accès à la PrEP.
Même si les jeunes parviennent à surmonter ces barrières sociales, ils doivent encore trouver un moyen de payer la PrEP. Sans assurance ni financement public, la PrEP peut coûter entre 500 et 1 000 $ par mois (ce qui équivaut à 150 breuvages Starbucks, quand même!). C’est cher, surtout pour les jeunes qui n’ont souvent pas les moyens financiers que certaines personnes queer plus âgées peuvent avoir plus tard dans leur vie — par exemple, après avoir décroché un emploi décent avec de généreux avantages sociaux. Même avec une assurance, les jeunes sont confrontés à des problèmes : au Canada, de nombreux étudiants de moins de 25 ans partagent un régime d’assurance avec leur famille. Pour surmonter l’obstacle financier en faisant une réclamation pour la PrEP par le biais de ce plan d’assurance, ils doivent divulguer leur sexualité et d’autres renseignements sensibles à leur famille. Et soyons honnêtes, si les discussions sur le sexe sont déjà stigmatisées, qui veut parler de sexe anal avec sa mère?
Afin de surmonter ces obstacles et rendre la PrEP plus accessible aux jeunes, nous avons besoin d’un système qui fonctionne avec et pour les jeunes, et ce, là où ils se trouvent. Cela se traduit par des programmes qui offrent un meilleur accès à des professionnels de la santé culturellement compétents et une couverture complète de la PrEP lorsque les coûts représentent un obstacle.
Mais, et c’est peut-être le plus important, nous devons briser la stigmatisation associée à la PrEP dans nos foyers et nos communautés. Même si nous rendons la PrEP gratuite et que nous sensibilisons les médecins à son utilisation, la stigmatisation et la honte nuisent toujours à nos efforts visant à éradiquer le VIH. Alors que nous sortons de la distanciation sociale et que nous pouvons nous rencontrer en personne, il n’y a pas de meilleur moment pour parler des pratiques sexuelles sûres, faire tomber les barrières et changer le discours sur le VIH.
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Liam O’Brien est le stagiaire en mobilisation des politiques et en communication du CBRC. Il étudie actuellement les sciences politiques et l’économie à l’Université d’Ottawa. Les études de Liam portent principalement sur l’interaction entre les systèmes de pouvoir et les communautés marginalisées.