Ces derniers mois, la mpox (aussi connue sous le nom de variole simienne) a fait son retour dans le débat public. L’épidémie mondiale de 2022 a touché le Canada parmi d’autres pays et elle s’est répandue de manière disproportionnée chez les hommes bispirituels, gais, bisexuels et queers, ainsi que chez les personnes trans et de diverses identités de genre (2S/GBTQ+)[1]. Aujourd’hui, alors que l’Organisation mondiale de la santé déclare une urgence de santé publique et que la couverture médiatique reprendre de plus belle, les communautés 2S/GBTQ+ sont confrontées à une recrudescence des cas. Si les taux de mpox ont à nouveau augmenté cette année au Canada, il faut rappeler que la mpox et la stigmatisation qui lui est associée n’avaient jamais vraiment disparu. Avec des taux d’infection élevés, les personnes 2S/GBTQ+ sont également victimes d’une stigmatisation accrue, tant au sein de leurs propres communautés que de la part de la société dans son ensemble[2]. Notre compréhension de la mpox continue d’évoluer, et nous devons à nos communautés d’aborder cette montée des cas et toute épidémie future d’un point de vue intersectionnel, afin de réduire la stigmatisation liée à la mpox.
Qu’est-ce que la stigmatisation liée à la mpox?
Le terme « stigmatisation » désigne l’omniprésence de croyances, de jugements et de préjugés négatifs que les individus ou les sociétés entretiennent à l’égard de groupes, de caractéristiques ou de comportements particuliers. La stigmatisation consiste à catégoriser et à dévaloriser des individus ou des communautés sur la base de différences ou d’écarts perçus par rapport aux normes sociétales. Elle mène souvent à la discrimination, à l’exclusion et à la marginalisation[3]. Il n’existe pas de définition commune de la stigmatisation liée à la mpox; toutefois, les articles universitaires la conceptualisent comme la désapprobation par la société de la mpox et du ou des groupes sociaux touchés (c’est-à-dire les communautés 2S/GBTQ+), qui découle de pratiques sociostructurelles plus larges comme l’homophobie, l’hétérosexisme, etc.[4]. La stigmatisation liée à la mpox se manifeste sur les médias sociaux et dans les médias grand public par la diffusion d’un discours homophobe[5]. Au sein des communautés 2S/GBTQ+, cette stigmatisation nuit au signalement des symptômes et des éventuelles infections et freine l’obtention de soins cliniques[6].
La stigmatisation liée à la mpox peut avoir des conséquences importantes sur le stress minoritaire dont souffrent les communautés 2S/GBTQ+[7]. Selon la théorie du stress minoritaire, les communautés marginalisées et stigmatisées subissent des facteurs de stress supplémentaires qui ont un effet négatif sur leur santé et leur bien-être. Il faut toutefois souligner que la théorie du stress minoritaire reste un cadre limité; elle peut occulter les différentes identités croisées qu’on trouve au sein des communautés 2S/GBTQ+, et qui se superposent aux expériences de stigmatisation vécues pendant les épidémies de mpox[8].
L’intersectionnalité et l’avenir de la mpox
Malgré le nombre croissant d’articles examinant les répercussions de la mpox sur les communautés 2S/GBTQ+, l’analyse et le contexte sociostructurels de la mpox sont souvent mis de côté. L’intersectionnalité est un cadre critique qui permet d’examiner à l’échelle micro les identités sociales façonnées et renforcées par de larges systèmes sociostructurels de pouvoir, de privilège et d’oppression (homophobie, transphobie, racisme, etc.) qui se chevauchent et qui imprègnent notre vision du monde et nos interactions avec lui[9]. Dans une optique intersectionnelle, la stigmatisation liée à la mpox marginalise les communautés 2S/GBTQ+ non seulement parce qu’elles connaissent des taux disproportionnés d’infections, mais aussi parce qu’elles sont historiquement associées à des mythes négatifs (promiscuité, « saleté/immoralité », VIH/sida, etc.) qui, dans ce cas, servent de biais de confirmation[10].
L’approche intersectionnelle de la mpox et de la stigmatisation qui l’accompagne permet de jeter un regard critique sur le croisement entre des systèmes sociostructurels de pouvoir, de privilège et d’oppression et les identités sociales des communautés 2S/GBTQ+ confrontées à cette recrudescence de cas ou à d’autres à venir. Sans cette perspective, notre réponse à la mpox dans les communautés 2S/GBTQ+ aura des lacunes[11].
Nos communautés possèdent une longue expérience de mobilisation face aux maladies infectieuses et aux ITS. La mpox n’a rien de nouveau pour nous. Le CBRC s’engage à lutter contre la mpox selon une optique intersectionnelle. Pour s’assurer que nos communautés sont bien informées et protéger leur santé et leur bien-être, le CBRC a conçu plusieurs ressources sur la mpox.
Visitez le site mpox.ca/fr pour en savoir plus sur cette maladie et vous tenir à jour.
[1] Rapport sommaire épidémiologique : Éclosion de la mpox au Canada en 2022-2023. Rapport sommaire épidémiologique : Éclosion de la mpox au Canada en 2022-2023 – Canada.ca
[2] Turpin, R. E., Mandell, C. J., Camp, A. D., Davidson Mhonde, R. R., Dyer, T. V., Mayer, K. H., ... et Boekeloo, B. O. (2023). Monkeypox-related stigma and vaccine challenges as a barrier to HIV pre-exposure prophylaxis among black sexual minority men (anglais). International Journal of Environmental Research and Public Health, 20(14), p. 6324.
[3] Acharya, A., Kumar, N., Singh, K. et Byrareddy, S. N. (2024). Mpox in MSM: Tackling Stigma, Minimizing Risk Factors, Exploring Pathogenesis, and Treatment Approaches (anglais). Biomedical Journal, 100746.
[4] Takenaka, B. P., Kirklewski, S. J., Griffith, F. J., Gibbs, J. J., Lauckner, C. K., Nicholson, E., Tengatenga, C., Hansen, N. B. et Kershaw, T. (2024). "It’s another gay disease": an intersectional qualitative approach contextualizing the lived experiences of young gay, bisexual, and other sexual minoritized men in the United States during the mpox outbreak (anglais). BMC public health, 24(1), p. 1574. https://doi.org/10.1186/s12889-024-19062-z
[5] Dsouza, V. S., Rajkhowa, P., Mallya, B. R., Raksha, D. S., Mrinalini, V., Cauvery, K., Raj, R., Toby, I., Pattanshetty, S. et Brand, H. (2023). A sentiment and content analysis of tweets on monkeypox stigma among the LGBTQ+ community: A cue to risk communication plan (anglais). Dialogues in health, 2, 100095. https://doi.org/10.1016/j.dialog.2022.100095
[6] Sachdeva, H., Shahin, R., Ota, S., Isabel, S., Mangat, C. S., Stuart, R., Padhi, S., Chris, A., Mishra, S., Tan, D. H. S., Braukmann, T. W., Eshaghi, A., Mejia, E. M., Hizon, N. A. et Finkelstein, M. (2024). Preparing for Mpox Resurgence: Surveillance Lessons From Outbreaks in Toronto, Canada (anglais). The Journal of infectious diseases, 229 (supplément 2), S305-S312. https://doi.org/10.1093/infdis/jiad533
[7] Turpin, R. E., Mandell, C. J., Camp, A. D., Davidson Mhonde, R. R., Dyer, T. V., Mayer, K. H., ... et Boekeloo, B. O. (2023). Monkeypox-related stigma and vaccine challenges as a barrier to HIV pre-exposure prophylaxis among black sexual minority men (anglais). International Journal of Environmental Research and Public Health, 20(14), p. 6324.
[8] Takenaka, B. P., Kirklewski, S. J., Griffith, F. J., Gibbs, J. J., Lauckner, C. K., Nicholson, E., Tengatenga, C., Hansen, N. B. et Kershaw, T. (2024). "It’s another gay disease": an intersectional qualitative approach contextualizing the lived experiences of young gay, bisexual, and other sexual minoritized men in the United States during the mpox outbreak (anglais). BMC public health, 24(1), p. 1574. https://doi.org/10.1186/s12889-024-19062-z
[9] Ibid.
[10] Ibid.
[11] Ibid.