Face à l’augmentation de la consommation de méthamphétamine (« meth »), comment soutenir la santé mentale des personnes concernées? Dans ces trois articles de blogue, nous allons nous pencher sur les liens entre la consommation de méthamphétamine et la santé mentale des personnes GBT2Q. Nous examinerons des possibilités de réponse à ce phénomène qui prennent en compte la résilience et l’épanouissement des communautés GBT2Q. Dans la première partie, nous allons tout d’abord contextualiser la consommation de drogues en situation sexuelle chez les communautés GBT2Q.
Augmentation de la consommation de meth
La consommation de méthamphétamine est en hausse partout au Canada. Une enquête nationale sur les personnes consommant des drogues par injection révèle que 43 % des personnes interrogées s’étaient injecté de la méthamphétamine entre 2017 et 2019, contre seulement 6,8 % entre 2003 et 20041. De plus, on observe en Alberta, en Saskatchewan et en Ontario une augmentation d’au moins 300 % de la consommation de méthamphétamine chez les personnes ayant recours à des services de traitement ou de réduction des risques2. Cette forte hausse s’applique également aux données relatives aux méfaits liés à la drogue. En effet, les taux d’hospitalisation et d’admission aux urgences causées par la consommation de méthamphétamine ont aussi fortement augmenté. Rien qu’à Toronto, les visites aux urgences liées aux amphétamines sont passées de 1,5 % en 2014 à 8,3 % en 20213.
Le crystal meth n’est pas une nouveauté pour les communautés GBT2Q
Pour beaucoup d’entre nous, ces chiffres ne sont pas surprenants. Les personnes GBT2Q sont 10 à 20 fois plus susceptibles que la population générale de consommer du crystal meth4. Un trait commun à de nombreuses personnes GBT2Q qui consomment de la méthamphétamine est l’association entre sexe et drogues, plus connue sous le nom de « chemsex » ou « utilisation de substances en contexte sexuel ». Les raisons de consommer varient d’une personne à l’autre, mais en contexte sexuel, le crystal meth est généralement consommé pour améliorer l’expérience sexuelle et réduire les inhibitions5.
Contextualiser la consommation de drogues en situation sexuelle chez les personnes GBT2Q
La consommation de drogues en contexte sexuel, désignée en anglais par l’abréviation « PnP » (pour « party and play ») ou le mot valise « chemsex », est une pratique sociale des personnes GBT2Q qui naît de circonstances culturelles, politiques et sociales uniques6. Cependant, les personnes qui consomment des drogues en contexte sexuel ne le font pas toutes de la même manière. De même, les effets de la méthamphétamine sur la santé mentale peuvent varier d’une personne à l’autre ou selon les moments de la vie.
L’une des conséquences positives de la consommation de drogues en contexte sexuel est la constitution d’une communauté rassemblant des personnes GBT2Q issues de différents milieux sociaux. Les recherches sur les avantages et les plaisirs de ce type de consommation ont également montré qu’elle peut aider les personnes GBT2Q à :
- s’évader de situations d’oppression et de stigmatisation;
- gérer leurs émotions négatives telles que le manque de confiance en soi, la faible estime de soi et l’homophobie intériorisée;
- avoir les relations sexuelles qu’elles désirent (augmentation de l’excitation, de la libido, de la confiance sexuelle et de l’endurance sexuelle, et réduction des inhibitions);
- améliorer certains aspects de la sexualité (augmentation de l’attirance sexuelle, intensification des sensations, facilitation de l’intimité et de l’exploration sexuelle)7,8.
Toutefois, la méthamphétamine est également connue pour créer une dépendance, et certaines personnes GBT2Q qui pratiquent le chemsex subissent des dommages à court et à long terme qui affectent leur santé mentale. Certaines déclarent notamment avoir de la difficulté à rester abstinentes, ou encore à nouer et à maintenir des relations dans un état de sobriété9. D’autres conséquences possibles, à court et à long terme, comprennent10:
Court terme | Long terme |
Augmentation de l’agressivité ou de l’hostilité | Anxiété, dépression et paranoïa |
Agitation, nervosité et panique | Insomnie |
Sentiment de grande puissance ou de supériorité | Baisse de la concentration et troubles de la mémoire |
Psychoses ou comportement psychotique | |
Tendances homicides ou suicidaires | |
Violence |
Les recherches ont également montré une réciprocité entre consommation de drogues en contexte sexuel et problèmes de santé mentale11. Les données suggèrent que la consommation de drogues en contexte sexuel peut entraîner des conséquences négatives sur la santé mentale, et que, inversement, les antécédents de problèmes de santé mentale peuvent conduire à une consommation en contexte sexuel12. D’autres facteurs sont associés à la pratique du chemsex chez les personnes GBT2Q :
- l’oppression sociétale (hétéronormativité, homophobie, binarité de genre, transphobie, discrimination, etc.);
- les antécédents de traumatismes (violence, intimidation, abus sexuels…);
- les antécédents de problèmes de santé mentale (dépression, anxiété, etc.);
- les sentiments de rejet, d’isolement, de honte et de manque d’appartenance;
- la stigmatisation liée au VIH, à la maladie mentale, à la toxicomanie et à la consommation de drogues13,14.
Et maintenant?
Une chose est claire : il faut en faire plus pour soutenir les personnes qui consomment de la méthamphétamine. Au Canada, à l’heure actuelle, très peu de services de réduction des risques liés au crystal meth sont adaptés aux besoins des communautés GBT2Q15. Rares sont les services pour les personnes utilisatrices de drogues qui sont outillés culturellement.. Dans le deuxième article de cette série, nous nous pencherons sur la prestation de services, les questions d’accès et les considérations relatives au continuum de soins. Nous souhaitons ainsi commencer à mieux traiter la consommation de méthamphétamine dans les communautés GBT2Q.
Par David Absalom
David Absalom est un professionnel de la santé publique qui travaille à construire des ponts entre les mondes de la recherche, de la politique, de la justice sociale et de la défense des droits. Il travaille dans le milieu de la santé pour promouvoir la santé et le bien-être des personnes GBT2Q et des communautés Noires.
1. Tarasuk, J., Zhang, J., Lemyre, A., Cholette, F., Bryson, M. et Paquette, D. (2020). « Nosocomial Infection Surveillance: National findings from the Tracks survey of people who inject drugs in Canada, Phase 4, 2017-2019 » (anglais). Canada Communicable Disease Report, 46(5), p. 138.
2. Méthamphétamine (Sommaire canadien sur la drogue) (ccdus.ca).
3. Tardelli, V. S., Johnstone, S., Xu, B., Kim, S., K. Kim, H., Gratzer, D., George, T. P., Le Foll, B. et Castle, D. J. (2023). « Marked Increase in Amphetamine-Related Emergency Department Visits and Inpatient Admissions in Toronto, Canada, 2014-2021 » (anglais). Canadian journal of psychiatry/Revue canadienne de psychiatrie, 68(4), p. 249-256.
4. Arthur, S., Berlin, G., Card, K., Carson, A., Goodyear, T., Jollimore, J., Klassen, B., Krell, S., Mniszak, C., Montiel, A., Purdie, A., Knight, R. et Lachowsky, N. (2021). Supporting Gay, Bisexual, Trans, Queer, and Two-Spirit (GBT2Q) People who Use Crystal methamphetamine (anglais). Centre de recherche communautaire.
5. Souleymanov, R., Brennan, D. J., Logie, C. H., Allman, D., Craig, S. L. et Halkitis, P. N. (2021). « Social exclusion, resilience and social worker preparedness: Providing services to gay and bisexual men who party-n-play » (anglais). The British Journal of Social Work, 51(8), p. 3228-3247.
6. Ibid.
7. Bourne, A., Reid, D., Hickson, F., Torres-Rueda, S. et Weatherburn, P. (2015). « Illicit drug use in sexual settings (‘chemsex’) and HIV/STI transmission risk behaviour among gay men in South London: findings from a qualitative study » (anglais). Sexually transmitted infections.
8. McGuire, M., Card, K. G. et Lachowsky, N. J. (2020). The Crystal Methamphetamine Project: Understanding the Need for Culturally-Safe Supports and Services Addressing Crystal Methamphetamine Use among Gay, Bi, and Queer Men (Both Cis and Trans) (anglais). Canadian Institute for Substance Use Research.
9. Ibid.
10. National Alcohol & Drug Knowledgebase (anglais).
11. Ibid.
12. Ibid.
13. Ibid.
14. Harink, J., Purdie, A., Kwag, M., Jollimore, J., Rayek, S., Lari, K., Hoong, P., Wilson, K. G., Luna, A., Valenzuela, D. C. et Lachowsky, N. J. (2019). « Addressing Mental Health Issues and Problematic Substance Use Among Gay and Bisexual Men (GBMSM) in British Columbia » (anglais). Vancouver, Colombie-Britannique : Centre de recherche communautaire.
15. Ibid.