Tout sur Tina – 3e partie : prendre en charge les communautés GBT2Q qui consomment de la méthamphétamine

La consommation de méthamphétamine (crystal meth) est en hausse et le système de santé mentale n’est pas à la hauteur des besoins des personnes GBT2Q. En l’absence de services de soutien culturellement appropriés, les membres des communautés GBT2Q se retrouvent souvent avec des symptômes non traités ou à chercher de l’aide dans les services d’urgence dans les moments de crise (troubles de l’anxiété, attaques de panique, psychoses, etc.)1. Avec l’augmentation des visites aux urgences et d’autres effets négatifs liés aux amphétamines, il convient de se poser la question suivante : comment mieux traiter et soutenir les personnes GBT2Q qui consomment de la méthamphétamine2,3,? Dans le dernier de ces trois articles, nous nous penchons sur le renforcement des capacités et les bonnes pratiques dans le domaine des soins aux personnes GBT2Q qui consomment de la méthamphétamine.

Lisez les deux premières parties de cette série d’articles ici et ici.

Éducation et renforcement des capacités

Il est essentiel de comprendre la nature, le contexte et l’ampleur de la consommation de crystal meth dans les communautés GBT2Q pour déterminer les besoins divers de cette population, et ce, sans la stigmatiser. Les articles universitaires indiquent qu’en abordant la consommation de méthamphétamine sous l’angle de la lutte antidrogue, on contribue à l’exclusion sociale, la stigmatisation et la criminalisation les personnes GBT2Q qui en consomment4. Les prestataires de services doivent donc prendre conscience de ces discours stigmatisants et s’efforcer de les remettre en question dans leur pratique, sans quoi de nombreuses personnes GBT2Q hésiteront à aller chercher des soins, de peur d’être confrontées à de la stigmatisation. Il est important de comprendre les facteurs socioculturels et politiques derrière la consommation de crystal meth dans les communautés GBT2Q, ainsi que ceux qui alimentent nos discours et nos actions autour de cet enjeu : cette prise de conscience est cruciale pour créer des espaces sécuritaires, adaptés aux personnes GBT2Q, et propices aux échanges transparents. De plus, cela permet aux prestataires de répondre de manière appropriée aux besoins des communautés concernées, sans stigmatiser ou criminaliser davantage leurs comportements.

Si les prestataires de services souhaitent renforcer leur capacité à travailler avec les communautés GBT2Q locales qui consomment de la méthamphétamine, il leur faut collaborer avec ces communautés, ainsi qu’avec les prestataires et les organismes spécialisés dans cette clientèle. Il est aussi possible de suivre un module d’apprentissage conçu par la Gay Men’s Sexual Health Alliance, intitulé Introduction to Party & Play (PnP)/Chemsex (anglais seulement), ou bien celui conçu en français par l'Institut national de santé publique du Québec, intitulé Chemsex : des savoirs pour adapter nos interventions avec sensibilité et compétence. On y explore le contexte social et culturel de la consommation de crystal meth dans les communautés GBT2Q, ainsi que la prestation de soins tenant compte des traumatismes5.

Prise en charge des personnes GBT2Q qui consomment du crystal meth

Il n’existe pas d’approche unique pour travailler avec les personnes GBT2Q qui consomment du crystal meth. Comme nous l’avons vu dans les articles précédents, les personnes GBT2Q consomment du crystal meth pour diverses raisons et n’expriment pas toutes le même intérêt à arrêter de consommer. Il existe toutefois des éléments à prendre en compte lorsqu’on travaille avec des personnes GBT2Q qui traversent une crise liée à la consommation de crystal meth. Gavin Bejaimal, ancien coordinateur de la santé sexuelle et de la réduction des risques chez les hommes gais au AIDS Committee of Toronto, donne plusieurs conseils pour soutenir les personnes GBT2Q consommatrices de méthamphétamine :

  • Reconnaître qu’il existe peu d’espaces où les personnes GBT2Q peuvent discuter ouvertement de leur consommation de drogue. Avoir conscience que les personnes qui consomment du crystal meth peuvent avoir intériorisé de la honte et que leurs expériences diffèrent en fonction de leur positionnement social et des formes croisées d’oppression qu’elles subissent.
  • Adopter des approches honnêtes, holistiques, dénuées de jugement et de stigmatisation.
  • Écouter — véritablement écouter — les personnes GBT2Q et leurs besoins. Si vous souhaitez vous familiariser avec les défis liés à la consommation de méthamphétamine dans les communautés GBT2Q, visitez des forums tels que Reddit et Erowid. Utilisez ces récits comme des études de cas pour réfléchir de manière critique à votre pratique et aux moyens de soutenir cette population. Préparez-vous le moment venu.
  • N’oubliez pas que l’abstinence n’est pas l’objectif de tout le monde. Le but du travail peut être simplement d’offrir une écoute empathique, un soutien émotionnel ou une validation. Si les personnes GBT2Q qui vous consultent souhaitent changer leur consommation ou disent en souffrir, explorez avec elles les stratégies de réduction des risques.
  • La réduction des risques est une approche holistique; elle n’est pas toujours liée à la consommation de drogues. Il peut s’agir de rappeler simplement à la personne de bien s’hydrater, de mieux manger, de se coucher plus tôt ou de rencontrer d’autres personnes GBT2Q bénéficiant d’un soutien social.

En plus des conseils de Gavin, on trouve dans différents articles les conseils suivants6,7:

  • Suivre des formations de premiers secours et d’intervention en cas de crise de santé mentale.
  • S’informer sur les effets secondaires du crystal meth afin de savoir reconnaître des symptômes tels que la paranoïa ou la psychose due aux stimulants.
  • Faire preuve de patience et garder en tête que ces symptômes et effets secondaires peuvent durer pendant des heures.
  • Être empathique et rencontrer les personnes là où elles en sont. Privilégier l’écoute, le calme, et une approche respectueuse et dénuée de jugement. Adopter son soutien aux indications données par la personne.
  • Ne pas poser trop de questions, car cela peut être difficile à gérer pour une personne intoxiquée.
  • Essayer d’établir une relation avec la personne. Faire preuve d’honnêteté et de sincérité dans les interactions et expliquer ses actions. L’instauration d’un climat de confiance aide à désamorcer les situations de crise.
  • Réduire la stimulation. Si possible, donner de l’espace à la personne et éviter de l’exposer au bruit ou à toute autre forme de stimulation.
  • Ranger son téléphone. La technologie peut contribuer à la paranoïa de la personne.
  • Prêter attention à son langage corporel et rappeler à la personne qu’elle est en sécurité.
  • Reconnaître ses propres limites et capacités et demander de l’aide à d’autres personnes si nécessaire.
  • Si possible, faire le bilan des événements après une première crise. Déterminer les ressources ou les aides supplémentaires dont la personne pourrait avoir besoin pour éviter de nouvelles crises.

À l’avenir

Les communautés GBT2Q méritent un système de santé mentale qui réponde à leurs besoins. Actuellement, l’absence d’un continuum de soins culturellement compétent, les lacunes dans la prestation de services, et le manque d’éducation et de formation indiquent qu’il reste beaucoup à faire pour mieux accompagner les personnes GBT2Q qui consomment de la méthamphétamine. Notre espoir est que cette série d’articles sera le point de départ d’une réflexion collective sur les moyens de soutenir la santé mentale et le bien-être des communautés GBT2Q.


1. Souleymanov, R., Brennan, D. J., Logie, C. H., Allman, D., Craig, S. L. et Halkitis, P. N. (2021). « Social exclusion, resilience and social worker preparedness: Providing services to gay and bisexual men who party-n-play » (anglais). The British Journal of Social Work, 51(8), p. 3228-3247.

2. https://www.ccsa.ca/sites/default/files/2020-03/CCSA-Canadian-Drug-Summary-Methamphetamine-2020-fr.pdf

3. Tardelli, V. S., Johnstone, S., Xu, B., Kim, S., K. Kim, H., Gratzer, D., George, T. P., Le Foll, B. et Castle, D. J. (2023). « Marked Increase in Amphetamine-Related Emergency Department Visits and Inpatient Admissions in Toronto, Canada, 2014-2021 » (anglais). Canadian journal of psychiatry/ Revue canadienne de psychiatrie, 68(4), p. 249-256.

4. Ibid

5. An Introduction to Party & Play (PnP)/Chemsex - GMSH (anglais).

6. Good Practices for Working with Participants Who Use Crystal Meth (hidtaprogram.org) (anglais).

7. La méthamphétamine : survol des tendances au Canada, son rôle dans la crise des intoxications et son incidence sur d’autres problèmes de santé

Available in English.

CBRC

À propos du CBRC

Le Centre de recherche communautaire (CBRC) promeut la santé des personnes issues de la diversité sexuelle et de genre par le biais de la recherche et du développement d’interventions.
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