Vivre à l’intersection lezbiqueer

Pour les lesbiennes, habiter l'inclinaison queer peut être une question de négociation quotidienne. Il s'agit (…) du travail quotidien consistant à faire face aux perceptions des autres, aux " dispositifs de redressement hétéronormées " et à la violence qui peut s'ensuivre lorsque ces perceptions se figent en formes sociales.
Sarah Ahmed, Queer Phenomenology, 2006, 107, Traduction libre

Les femmes lesbiennes, bisexuelles et queer doivent faire face à des difficultés particulières en naviguant les normes patriarcales et hétéronormatives. Cette intersection entraîne des problèmes spécifiques, notamment en ce qui concerne les agressions sexuelles et la violence fondée sur le genre, les problèmes de santé mentale, la consommation de substances et d'autres inégalités sociales et économiques. Au Canada, en 2020, 68,7% des femmes des minorités sexuelles et 40,6% des hommes des minorités sexuelles avaient subi des comportements sexuels non désirés en public au cours des 12 mois précédents, contre 30,5% des femmes hétérosexuelles et 12,5% des hommes hétérosexuels (Jaffray 2020). L'AocVF rapporte que les femmes lesbiennes sont deux fois plus susceptibles de subir des violences que les femmes hétérosexuelles, ce chiffre passant à 4,5% pour les femmes bisexuelles. Une enquête menée en 2022-2023 par le Réseau lesbien du Québec auprès de 1108 participantes identifiées au sein de la communauté lesbienne/lezbiqueer souligne que 60% souffrent de problèmes de santé mentale diagnostiqués ou non, 29% ont subi des agressions sexuelles et 41% gagnent moins de 30 000$ par an.

Analyser la discrimination fondée sur le genre en plus de l’homosexualité/queerness est une tâche complexe. En effet, si les inégalités structurelles affectent déjà les femmes, l'hétéronormativité ajoute des pressions normatives et discursives supplémentaires alors que "nous dévions de la ligne droite". Les femmes de la diversité sexuelle peuvent donc souvent se sentir invisibilisées à la fois dans les organismes et communautés LGBTQ+ et de défense des droits des femmes. Si de nombreuses études se concentrent sur la violence homophobe ou la violence à l'égard des femmes, très peu d'entre elles examinent la particularité de la violence à l'égard des femmes LGBTQ2S+, qui se situe à l'intersection de l'homophobie/lesbophobie et du sexisme. Cette double oppression entraîne des violences de différents types, non seulement en termes d'agressions physiques et sexuelles, mais aussi en termes d'invalidations et de microagressions au sein des sphères publiques et privées (Bermea et al. 2018 ; Martin-Storey et al. 2015 ; Walukevich-Dienst et al. 2019).

La marginalisation multiple des femmes cis, trans et personnes non-binaires issues de la diversité sexuelle est encore plus significative lorsqu'on la considère à travers le prisme des questions de race, d'immigration et de classe dans une perspective intersectionnelle. De nombreuses discussions se déroulent également au sein de nos communautés sur la définition des expériences des femmes tout en incluant la diversité des genres - notamment, comment être plus inclusif des personnes non binaires et agenres qui s'identifient à la communauté lesbienne ou lezbiqueer. Cette année, à l'occasion de la Journée internationale des femmes, nous invitons tout le monde à célébrer les communautés lesbiennes (et lezbiqueer) dans toute leur belle diversité - lesbiennes, pan, bi, queer, fluides ; non-binaires, agenres, femmes trans, femmes cis.

Cette année, la campagne de visibilité du Réseau des lesbiennes du Québec s'intitule "Nommer pour exister". Nous élevons nos voix contre l'invisibilité, en canalisant la vulnérabilité vers l'empowerment. Comme le dit Sarah Ahmed, " le désir lesbien peut être repensé comme un espace d'action, une façon de s'étendre différemment dans l'espace en s’orientant vers "d’autres femmes" " (Ahmed, 2006, 102). Nous espérons voir émerger de nombreux autres projets communautaires et de recherche autour des besoins lezbiqueer en matière de santé sexuelle et mentale, d'initiatives contre la violence basée sur le genre et de lutte contre les inégalités structurelles et économiques – la richesse des perspectives et des expériences lezbiqueer peut certainement nous en apprendre beaucoup sur la résilience, l'innovation et le changement.

Par Tara Chanady, Ph.D., Directrice générale du Réseau des lesbiennes du Québec

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CBRC

À propos de CBRC

Le Centre de recherche communautaire (CBRC) promeut la santé des personnes issues de la diversité sexuelle et de genre par le biais de la recherche et du développement d’interventions.
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