Quelle est la prochaine étape dans la lutte contre les pratiques de conversion au Canada?

Grâce à un financement du Fonds d’action intersectorielle (FAI) de l’Agence de la santé publique du Canada, le CBRC a lancé un projet d’un an visant à former une coalition nationale ayant pour mission de mettre fin aux pratiques de « thérapie » de conversion au Canada. Cette initiative s’inscrit dans le prolongement des efforts communs que le CBRC et ses partenaires mènent depuis des années dans ce domaine. Grâce aux données recueillies dans le cadre d’enquêtes communautaires, aux conversations qui se sont tenues lors du Sommet, et à divers projets visant à témoigner des expériences et des besoins des survivant·e·s, le CBRC a acquis des connaissances précieuses sur les pratiques de conversion (PC) que subissent les membres des communautés 2S/LGBTQIA+. L’organisme et ses partenaires ont mobilisé des survivant·e·s, des législateur·trice·s, des groupes confessionnels inclusifs et des organismes communautaires 2S/LGBTQIA+. Ils ont aussi lancé Mettre fin aux pratiques de conversion (StopConversionPractices.ca), un centre de connaissances sur les pratiques de « thérapie » de conversion au Canada.

Nous savons que des efforts coordonnés, intersectoriels et pancanadiens sont nécessaires pour mettre fin aux PC et soutenir les victimes. Avec la montée actuelle de la haine contre les communautés 2S/LGBTQIA+, une union intersectorielle s’impose pour que tout le monde travaille dans le même sens. Qu’il s’agisse des politiques ou des divers contextes médicaux, confessionnels et communautaires, la désinformation et l’ignorance de la loi et des PC nuisent à la reconnaissance de ces pratiques et à la détermination des mesures à prendre.

Pour garantir une compréhension et une analyse communes des problèmes et des solutions possibles, nous avons élaboré trois ressources clés :

  1. Un exposé des politiques intitulé Surmonter les obstacles à l’élimination des pratiques de « thérapie » de conversion au Canada, qui propose un aperçu de la situation actuelle.
  2. Une fiche d’information intitulée Stratégies visant à faire appliquer l’interdiction canadienne des pratiques de « thérapie » de conversion, qui explique les difficultés actuelles à faire appliquer la loi et à criminaliser les PC.
  3. Une notice, nommée Mettre fin aux pratiques de « thérapie » de conversion au Canada : situation actuelle et étapes à venir, qui présente au grand public l’état des PC au Canada et les mesures nécessaires pour y mettre fin.

Toutes ces ressources proposent une vue d’ensemble des problèmes liés à la criminalisation des « thérapies » de conversion au Canada, ainsi que des recommandations sur les moyens de faire appliquer la loi. Leur objectif est de guider les politiques, les programmes et les mesures de reddition de compte, d’informer les parties prenantes et de renforcer leurs capacités à mener la lutte contre les PC au Canada. 

Dans le cadre du projet de coalition financé par le FAI, une analyse juridique et politique a été réalisée par Egale Canada. Cette analyse a joué un rôle crucial dans l’élaboration des ressources mentionnées, qui seront publiées dans les semaines à venir. Vous trouverez ci-dessous plus de détails sur le contexte de cette analyse.

Le contexte canadien : analyse juridique et politique d’Egale

Le droit est un domaine souvent incompréhensible pour le grand public, d’où la nécessité d’expliquer les choses dans un langage simple, clair et accessible. C’est dans cette optique qu’Egale a élaboré une analyse juridique et politique de la loi fédérale (projet de loi C-4) et d’autres lois et politiques visant à interdire les thérapies de conversion. Cette analyse nomme les obstacles et les lacunes qui gênent la prévention des PC au Canada, propose des politiques et des programmes complémentaires, et résume les éléments centraux, les points forts et les limites des lois interdisant les thérapies de conversion.

La lutte juridique contre les PC présente des défis dus à la nature du droit pénal et aux formes que peuvent prendre les PC. Par exemple, les personnes victimes de PC se trouvent souvent dans des situations de vulnérabilité et de confiance par rapport aux personnes leur imposant des thérapies de conversion (prestataires de soins de santé, chefs religieux, membres de la famille, etc.). Ce déséquilibre des pouvoirs complique les témoignages des victimes. Ce n’est pas parce qu’une pratique est illégale qu’elle n’est pas exercée. Malgré la criminalisation fédérale des « thérapies » de conversion, ces pratiques perdurent partout au Canada. Le système de justice pénale exige des victimes qu’elles signalent les incidents à la police, qui représente en soi une menace pour de nombreuses personnes 2S/LGBTQIA+. C’est une démarche particulièrement délicate pour les communautés queers, trans et racisées, en raison de leur marginalisation et de leurs relations complexes avec les forces de l’ordre, par le passé comme aujourd’hui. De plus, on ignore si les autorités concernées ont reçu la formation adéquate pour soutenir les victimes, notamment par une approche qui tient compte des traumatismes. Les personnes qui portent plainte courent le risque de voir leur plainte rejetée ou d’être traumatisées à nouveau par la procédure. Le principe de norme de preuve, ou présomption d’innocence, fait peser une lourde charge sur les victimes dans les affaires pénales, car il peut être difficile de prouver une violation de la loi.

L’enjeu de la reddition de compte représente également un défi de taille. Bien que le gouvernement fédéral ait criminalisé les PC, il reste un flou quant à l’entité responsable de faire appliquer la loi. Selon l’analyse d’Egale, cette responsabilité incombe aux forces de l’ordre et aux procureur·e·s, qui se trouvent un peu partout au pays. Le rapport d’Egale fait notamment référence au plan d’action du Québec, qui constitue un modèle potentiel de lutte contre les PC. Ce plan exige des différents ministères qu’ils rendent des comptes au pouvoir législatif sur les mesures prises pour prévenir les PC, ce qui garantit une responsabilisation de plusieurs autorités gouvernementales et de meilleurs mécanismes de surveillance.

Passant en revue les différents paysages législatifs actuels au Canada et dans le monde, le rapport d’Egale, qui sera publié au printemps, évalue les forces et les faiblesses des interdictions juridiques existantes, et présente plusieurs recommandations dans les domaines de la loi, des politiques et de la défense des droits. Ces recommandations visent à clarifier la réponse à la question : quelle est la prochaine étape dans la lutte contre les pratiques de conversion au Canada?

Au fur et à mesure de nos progrès, il est essentiel de continuer à raffermir et à unir notre réponse. Pour mettre fin aux PC au Canada, il faut non seulement faire appliquer la loi, mais aussi procéder à des changements systémiques plus larges, notamment dans les domaines du soutien aux victimes, de l’éducation du public et des initiatives communautaires. C’est par la collaboration et des efforts continus de défense des droits que l’interdiction des PC dépassera sa simple valeur symbolique pour devenir une étape majeure du combat pour la justice et la guérison.

Available in English.

CBRC

À propos du CBRC

Le Centre de recherche communautaire (CBRC) promeut la santé des personnes issues de la diversité sexuelle et de genre par le biais de la recherche et du développement d’interventions.
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