Les personnes bispirituelles, lesbiennes, gaies, bisexuelles, trans, queers et issues de la diversité sexuelle et de genre (2S/LGBTQIA+) vivent depuis longtemps des discriminations dans le domaine du don de sang, d’organes et de tissus au Canada. Entrées en vigueur au cours des premières années de la pandémie de VIH, bon nombre des politiques relatives à ces dons visaient à réduire la probabilité de transmission du VIH par don. Toutefois, l’évolution des politiques a toujours été plus lente que la progression des connaissances sur la transmission, le traitement et la prévention du VIH. Les données probantes sur les comportements présentant des risques de transmission du VIH tardent à être prises en compte.
Par exemple, les politiques précédentes en matière de don d’organes et de tissus empêchaient les hommes ayant eu des relations sexuelles avec d’autres hommes au cours des 12 derniers mois de donner leurs tissus, et désignaient leurs organes comme présentant un « risque accru de transmission de maladies infectieuses ». Ces politiques stigmatisent les personnes 2S/LGBTQIA+ et leur causent des torts. Elles ont également pour effet de réduire le nombre de dons d’organes et de tissus – dons pourtant indispensables à bien des personnes au Canada.
Grâce notamment à l’activisme et à la détermination de la communauté, les politiques relatives au don de sang ont tranquillement évolué et sont devenues plus inclusives au cours des dernières années. Le CBRC, aux côtés d’autres individus et organismes communautaires œuvrant en recherche et en défense des droits, a réclamé un processus de dépistage des dons de sang fondé sur les comportements et non sur le genre. Après avoir interdit pendant 30 ans aux hommes gais, bisexuels et queers de donner leur sang, la Société canadienne du sang (SCS) a changé sa politique en 2022. Elle a également reconnu les torts causés par son ancienne politique lors d’excuses publiques élaborées en partenariat avec son comité consultatif 2SLGBTQIA+, dont le CBRC est membre.
On propose aujourd’hui d’aligner les directives relatives au don et à la greffe d’organes et de tissus sur les nouvelles politiques en matière de don de sang, ce qui mettrait potentiellement fin à l’exclusion des personnes 2S/LGBTQIA+ dans le domaine.
Selon les nouvelles directives proposées en mars 2025 par l’Association canadienne de normalisation, les critères ciblant les « hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes » seraient remplacés par deux questions non genrées posées à toutes les personnes désirant faire des dons d’organes ou de tissus :
- « Avez-vous eu de nouveaux ou nouvelles partenaires sexuel·le·s ou plus d’un·e partenaire sexuel·le au cours des 3 derniers mois? »
- Si oui, « Avez-vous eu des rapports sexuels anaux au cours des 3 derniers mois? »
En cas de réponse positive aux deux questions, le don d’organes serait considéré comme présentant un « risque accru » et la personne ne pourrait pas faire de don de tissus.
Si elles sont adoptées, ces nouvelles directives rendront le don d’organes et de tissus plus accessible à beaucoup de personnes 2S/LGBTQIA+, mais certains de leurs critères continueront de stigmatiser nos communautés. Par exemple, une personne qui a récemment pris la PrEP contre le VIH ou qui a eu un contact sexuel avec une personne vivant avec le VIH au cours des trois derniers mois – même si celle-ci est indétectable et ne peut donc pas transmettre le VIH par voie sexuelle – sera encore considérée comme présentant un « risque accru » de transmission du VIH par don d’organe, et ne pourra pas du tout faire de don de tissus. En outre, compte tenu de la nature très large des deux questions non genrées, de nombreuses personnes 2S/LGBTQIA+ qui constitueraient des donneurs ou donneuses compatibles et sécuritaires ne pourront toujours pas faire de don de tissus, et verront encore leurs organes considérés comme présentant un « risque accru ».
Au-delà de la politique elle-même, d’autres défis subsistent. Comme les personnes 2S/LGBTQIA+ fréquentent davantage les agences de don que par le passé, il est essentiel que leur personnel soit en mesure de leur fournir des soins appropriés, sûrs et respectueux; il faut donc mettre en place des initiatives de formation ciblées. De plus, les politiques discriminatoires du passé ont découragé les personnes 2S/LGBTQIA+ de faire des dons et ont sapé leur confiance dans le système de don. Pour rétablir cette confiance, il sera nécessaire de forger des relations avec divers leaders et organismes communautaires 2S/LGBTQIA+. Comme première étape positive, il serait approprié que Santé Canada et les agences responsables des dons d’organes et de tissus présentent des excuses officielles pour les préjudices passés, comme l’a fait la Société canadienne du sang.
Enfin, bien que les changements proposés constituent une avancée importante dans le domaine du don d’organes et de tissus et améliorent l’équité envers les personnes 2S/LGBTQIA+, il reste du travail à faire pour que les politiques soient entièrement fondées sur la science et non sur des préjugés stigmatisants. Il faut également déployer des efforts supplémentaires pour que les donneurs et donneuses 2S/LGBTQIA+ puissent avoir des expériences sécuritaires et positives au sein du système.
Le CBRC a récemment sondé l’opinion de la communauté 2S/LGBTQIA+ partout au Canada sur les politiques relatives au don d’organes et de tissus, dans le cadre de l’enquête Sexe au présent 2025, effectuée d’avril à début juin. Les données de l’enquête serviront à appuyer les efforts de défense des droits visant à réclamer des politiques plus équitables dans le domaine du don, et nous vous remercions d’avoir répondu au sondage!
Texte rédigé par le Dr Murdoch Leeies
Le Dr Murdoch Leeies est médecin et directeur de la diversité, de l’équité et de l’inclusion au programme de greffe « Gift of Life » du Manitoba, ainsi que directeur de l’équité, de la diversité, de la décolonisation et de l’inclusion à la Société canadienne de soins intensifs.
